Bouteflika à Jijel et À Constantine Un Président donneur de leçons Le chef de l'Etat s'en est encore pris à la presse indépendante. Bouteflika était, hier, à Jijel puis à Constantine, pour des inaugurations et autres cérémonies alibi, destinées encore à lui servir de faire-valoir, en prévision de la présidentielle d'avril prochain. Son laïus prononcé devant la communauté universitaire de Jijel, tout ouïe, vaut beaucoup plus par l'impasse qu'il a faite sur des questions qui agitent aujourd'hui l'opinion. À l'exemple de la grève qui paralyse la plupart des lycées du pays depuis la rentrée. Sur ce registre, on s'attendait à une annonce du Président, d'autant que les parents d'élèves l'ont interpellé sur le drame que vivent leurs enfants depuis trois mois et sur le spectre de l'année blanche. Le silence du Président, pourtant garant de la Constitution qui consacre le droit à l'instruction, ne peut être interprété que comme une marque de mépris à l'égard des enseignants grévistes et de leurs revendications. Attitude peu responsable qui pourrait conduire désormais les enseignants des lycées à durcir davantage leur position, maintenant que leur religion est faite sur le Président qui rejette en bloc leurs doléances. Muet comme une tombe sur la paralysie des lycées, Bouteflika s'est montré particulièrement loquace sur la presse, s'érigeant encore en donneur de leçons. “Nul n'a le droit de pervertir l'image et la réputation de l'Algérie !” Pour Bouteflika, les choses sont claires : c'est la presse indépendante qui pervertit l'image de l'Algérie. Comment ? En rapportant, sans complaisance, les convulsions de la société. La vision de la presse, selon Bouteflika, décidément bloqué aux années 1970, c'est de dire tout va pour le meilleur des mondes. Est-ce pervertir et faire montre de peu de patriotisme en décrivant l'Algérie comme elle est ? Si perversion il y a, c'est à Bouteflika qu'il faut l'imputer. Quand on charge son ministre des Affaires étrangères, vitrine par excellence du pays, de fomenter un coup de force contre la direction d'un parti élue légitimement, c'est cela la mise à mal de l'image du pays. Quand on fait venir un ambassadeur, pour le charger de la mission très spéciale de lancer des raids contre des mouhafadhas, c'est encore cela l'atteinte à l'image du pays. Quand le nom du Président est mêlé à des scandales politico-financiers, c'est de nature à écorner la réputation du pays. Et quand ce même pays est géré comme un émirat, par la “hachia”, c'est bien cela l'agression contre l'idée qu'on se fait du pays. “La liberté de la presse implique avant tout le respect de la loi, des valeurs du peuple algérien et un esprit de responsabilité.” L'irresponsabilité, dans le cas qui nous occupe, ne réside-t-elle pas précisément dans le fait de voir le Président vassaliser toutes les institutions sommées de servir ses ambitions électorales ? Réussir au bout de quatre années le grand écart de consommer un large consensus politique, qui aurait permis à notre pays de s'atteler à la mise en œuvre de chantiers lui permettant de prendre le train de la globalisation, est en soi un triste exploit. N. S.