Une véritable contre-culture a germé en marge des manifestations du Mouvement du 20 Février. à l'image des précurseurs de la chanson contestataire marocaine Nass El-Ghiwane et Jil Jilala, ces groupes ont pour noms aujourd'hui H-Kayne, Fnaïre, Casa Crew, Darga, Hoba Hoba Spirit... “Aândek tedoui, rahoum yghabrouk, Ghadi nedoui, ou ghir ighabrouni !” (Si tu parles, ils te feront disparaître. Alors je vais parler et qu'ils me fassent disparaître !) Figure de proue du Mouvement du 20 Février, le rappeur marocain Mouad Belghouat, alias Leqhed (le rancunier), croupit depuis le 9 septembre en prison pour une vague altercation avec un individu, présenté par les médias marocains comme un “baltagui” à la solde du Makhzen. Pour l'opinion publique marocaine, ce sont surtout les parodies des discours royaux et le fameux clip “Klab Ed -Dawla”, débité à la manière Gangsta Rap, qui ont valu à Leqhed, non seulement une grande notoriété mais aussi sa mise sous écrou. Pour les Marocains, si Mouad est en prison, c'est à cause de ses chansons irrévérencieuses à l'égard de la famille royale. Plus d'une centaine d'avocats se sont portés volontaires pour l'assister dans son procès, dont la date n'est toujours pas fixée. Le tribunal de Casablanca a refusé toutes les demandes de liberté provisoire présentées par son collectif d'avocats. La justice marocaine parie, semble-t-il, sur un essoufflement de la mobilisation en faveur Leqhed, qui reste très populaire au Maroc. Mouad est donc considéré comme un prisonnier d'opinion. Le soir même de sa garde à vue, des milliers de jeunes se sont rassemblés, la nuit entière, devant le commissariat de Dar El-Hamra à Haï El-Hassani à Casablanca. “Les autorités marocaines ont interdit plusieurs concerts de solidarité avec le rappeur marocain. Les autorités attendent la tenue des élections législatives de ce vendredi pour fixer la date de son procès”, apprend-on d'une source proche du barreau. Pour Khadija Riadi, présidente de l'Association marocaine des droits humains (AMDH), “l'audace et les paroles de Leqhed ne doivent pas le mener en prison”. La liberté artistique étant garantie par l'article 25 de la nouvelle Constitution relève-t-elle. Il faut dire aussi que depuis quelques années la jeunesse marocaine a renoué avec la chanson contestataire. Depuis le début des années 2000, de jeunes artistes ont repris le flambeau de la contestation, exigeant l'élargissement des libertés et l'émergence d'une société nouvelle au Maroc. Ce mouvement inspiré de la Movida espagnole est souvent la cible des islamistes du PJD, qui ne voient dans ce phénomène qu'une débauche libertaire. Nayda parfois aussi Haïha, ou Nouvelle scène marocaine est un mouvement culturel à l'origine casablancais. Avec la création du festival l'Boulevard et sous la pression des jeunes militants associatifs, les autorités de Casablanca ont dédié l'ancien abattoir de la ville désaffecté à une expérience culturelle unique en son genre. Les locaux ont été attribués à des collectifs d'artistes. Ce mouvement est pour le moment à caractère essentiellement musical, même s'il y eut la sortie du film Marock de Leïla Merrakechi qui s'inscrivait dans le sillage de ce mouvement culturel qui reflète, notons-le, une certaine évolution de la société marocaine. Jusque-là homogène dans ses revendications, la Nayda a connu durant ce “printemps arabe” une scission, lorsque le rappeur marocain Toufik Hazib, alias Don Bigg, a sorti une chanson intitulée Mabghitch (je ne veux pas), dans laquelle il vient battre en brèche la légitimité populaire du Mouvement du 20 Février. Il trouvera face à lui Leqhed ou encore Lokman pour lui donner la réplique. Sur ce registre de la chanson contestataire marocaine, il y a encore la chanson écrite par Réda Allali, le guitariste et chanteur du groupe Hoba Hoba Spirit, Maâjebtiniche. Avec la darija, le dialecte qu'il utilise, le portrait qu'il dresse au vitriol du parlementaire marocain ne va pas sans rappeler chez nous une triste rengaine. Jugeons-en : Maâjebtiniche Rak barlamani rien que pour la monnaie Votaw aâlik ennass Ou nta chriti Mercedes Ou chlaghmek lekbarHarbou l'espoir men darTellement tneffekhti welliti charika Charika lamiti wel vitesse illimitée Rabbiti lekricha Beddelti lemra Ou tâalemmti el foss'ha ghir bach teh'mak aâliya Maâjebtiniche… M. C. L