Mardi, une résolution a été adoptée à l'Assemblée générale des Nations unies condamnant la répression sanglante en Syrie. Bachar al-Assad sur les traces de Ben Ali, Moubarak et Kadhafi ? Ankara menace Damas avec qui les Turcs, militaires et gouvernement civil, avaient des relations amicales jusqu'à il y a encore très peu de temps. Tout porte à penser qu'Erdogan serait sur le point de porter la dernière estocade au régime de Bachar al-Assad. Le premier ministre turc et son ministre des AE, après avoir appelé le gouvernement syrien à cesser la violence contre ses populations, se font menaçants au point de se demander si la Turquie n'ira pas plus loin contre son voisin. Après l'avoir exhorté à des réformes pacifiques, Erdogan demande à Bachar al-Assad de quitter le pouvoir et c'est tout juste s'il ne le menace d'un scénario à la libyenne. Implicitement, il a fait comprendre à son voisin ce qui lui arriverait si les Etats-Unis et leurs alliés mettaient un pied dans la porte. Bachar al Assad est indéniablement plus isolé que jamais depuis les décisions hostiles prises à son encontre par la Ligue arabe sous l'influence du Qatar. Bien qu'il dit compter sur l'Irak et le Liban pour éviter d'être asphyxié par les sanctions que la Ligue arabe entend prendre afin de le contraindre de cesser la répression de la révolte (après que le régime de Damas eut ignoré son ultimatum de mettre fin aux violences sanglantes, la Ligue arabe devrait annoncer lors d'une réunion aujourd'hui des sanctions économiques contre la Syrie après l'avoir suspendue des travaux de l'organisation), le président syrien est manifestement confronté au spectre d'une intervention armée qui éclipserait ce que la Libye vient de subir au nom de “la responsabilité de protéger des civils”. Le secrétariat général et le bureau exécutif du CNS préparent au Caire une conférence sur l'après-Bachar avec la participation de dissidents politiques du régime. La conférence en liaison avec la Ligue arabe publiera un mémorandum concernant la phase transitoire. Le document qui sera soumis au conseil ministériel de la Ligue arabe, serait la feuille de route pour la construction de la Syrie post-Bachar al-Assad. Mais auparavant, il faut se débarrasser du régime. Il y a aujourd'hui beaucoup de monde à demander sa destitution mais sa faisabilité reste problématique. Les Syriens tout comme la Ligue arabe sont fortement opposés à une intervention étrangère, a fortiori si elle est conduite par la Turquie comme le laisse suggérer les ingérences agressives de son chef du gouvernement. Autrefois, la Syrie avait donné asile à Abdullah Ocalan. Les généraux d'Ankara avaient menacé d'attaquer le pays s'il ne se débarrassait pas de lui. Erdogan a-t-il toute la marge de manœuvres pour se lancer dans l'aventure, car s'en est une ? Déjà en s'attaquant verbalement au régime de Damas, la Turquie s'est mise en porte-à-faux avec l'allié de Bachar al-Assad, l'Iran, dont les militaires turcs ont besoin contre le PKK. Erdogan, islamiste mais très fin politicien sait qu'il serait mal avisé de faire confiance aux Etats-Unis qui jouent avec la question kurde depuis des lustres, tout comme avec l'abcès régional qu'est la très complexe question iranienne. Le chef de l'AKP, qui se dit totalement acquis à la cause palestinienne, ne doit certainement pas oublier que Téhéran reste l'ennemi numéro un d'Israël. Pour autant, faut-il accorder du crédit à la thèse qui dit que ce qui arrive en Syrie porte la marque d'un plan concerté orchestré par les Etats-Unis et leurs alliés du Golfe pour supprimer un obstacle de longue date aux politiques étasuniennes et israéliennes ? D. Bouatta