Les Egyptiens votaient, hier, en grand nombre pour les premières élections législatives depuis la chute de Hosni Moubarak en février dernier, en dépit des appels au boycott des occupants de la place Tahrir, qui se déclarent non concernés par le scrutin. Les craintes d'actes de violence pendant le déroulement des élections législatives en raison de la répression des manifestations, notamment à la place Tahrir, contre le maréchal Mohamed Hussein Tantaoui, n'étaient pas fondées au vu du déroulement dans le calme hier du scrutin, marqué par un afflux massif de votants. En effet, tout se passait normalement six heures après l'ouverture des opérations de vote, selon le chef de la haute commission électorale, le juge Abdel Moez Ibrahim, qui a affirmé que le scrutin connaissait une participation plus importante que prévue. Il ne cachera pas sa surprise en déclarant : “Nous avons été surpris par le nombre d'électeurs qui ont participé, qui est plus important que prévu.” Il soulignera que les opérations de vote se déroulaient sans problème de sécurité en dépit du contexte politique tendu. “Il n'y a pas eu de problème de sécurité jusqu'à présent, Dieu merci. C'était pourtant notre principale préoccupation”, a-t-il indiqué. De longues files se sont formées dès les premières heures du matin pour voter notamment au Caire et à Alexandrie, deuxième ville du pays, selon les informations des agences de presse. De nombreux électeurs se félicitaient de pouvoir déposer un bulletin qui compte, après des décennies d'élections acquises d'avance au parti de M. Moubarak, accusé de fraudes massives. L'armée et la police assuraient une protection discrète des bureaux de vote, tandis que dans certains quartiers, des “comités populaires” ont été formés pour prévenir les violences. Pour rappel, le vote d'hier concerne un tiers des gouvernorats en Egypte (17,5 millions sur quelque 40 millions d'électeurs), notamment Le Caire, Alexandrie et Louxor en Haute-Egypte. Chaque tour de scrutin se déroulant sur deux jours, les bureaux seront encore ouverts aujourd'hui pour élire 168 des 498 députés de la nation. Le système électoral complexe prévoit un découpage en trois régions du pays, le plus peuplé du monde arabe avec plus de 80 millions d'habitants. Le vote pour l'Assemblée du peuple se déroulera jusqu'au 11 janvier et les résultats complets seront connus deux jours plus tard. Viendra ensuite l'élection de la Choura, la Chambre haute consultative, du 29 janvier au 11 mars. Il faut croire que la campagne électorale est passée presque inaperçue à cause de la contestation du pouvoir militaire qui gouverne le pays depuis la chute de Moubarak. Les violences ont fait 42 morts et plus de 3 000 blessés. Sur la place Tahrir au Caire, épicentre de la mobilisation, des manifestants encore présents affirmaient lundi ne pas croire au pouvoir des urnes pour obtenir le départ des militaires au pouvoir. “Ce qu'on demande ici à Tahrir, c'est la chute du maréchal Tantaoui, donc évidemment je ne participerai pas aux élections qu'il organise”, a affirmé aux journalistes Omar Hatem, un étudiant de 22 ans. “Je vote pour l'avenir de l'Egypte. Ce sont les premières élections libres de mon pays”, soulignait par contre Youssouf, un informaticien de 25 ans devant un bureau de vote à Alexandrie. “Pendant trente ans, nous sommes restés silencieux, maintenant c'est fini”, renchérit de son côté Samira, 65 ans, à Zamalek, le quartier huppé du Caire. “Avant, voter ne servait à rien”, assurait Mona Abdel Moneim, venue voter à l'école Omar-Makram de Choubra, un quartier populaire du Caire. Le mouvement des Frères musulmans, la force politique la mieux structurée du pays et son parti, Liberté et Justice, s'estiment en position de force face à des dizaines de partis salafistes, libéraux ou de gauche, le plus souvent récents et encore mal implantés. Merzak T./Agences