Les Egyptiens votaient lundi en grand nombre pour les premières élections depuis la chute de Hosni Moubarak en février, un scrutin crucial où le score des islamistes est l'un des principaux enjeux et qui se déroule dans un contexte de crise politique. Six heures après l'ouverture des opération de vote, le chef de la Haute commission électorale a affirmé que le scrutin connaissant une participation plus importante que prévue. «Nous avons été surpris par le nombre d'électeurs qui ont participé, qui est plus important que prévu», a déclaré le juge Abdel Moez Ibrahim lors d'une conférence de presse au Caire. Il a en outre affirmé que les opérations de vote se déroulaient sans problème de sécurité en dépit du contexte politique tendu. «Il n'y a pas eu de problème de sécurité jusqu'à présent Dieu merci. C'était pourtant notre principale préoccupation», a-t-il dit. De longues files se sont formées dès les premières heures du matin pour voter notamment au Caire et à Alexandrie, deuxième ville du pays, pour le premier tour de ce scrutin législatif étalé sur près de quatre mois au total. De nombreux électeurs se félicitaient de pouvoir déposer un bulletin qui compte, après des décennies d'élections acquises d'avance au parti de M. Moubarak, accusé de fraudes massives. Le vote de lundi concerne un tiers des gouvernorats en Egypte (17,5 millions sur quelque 40 millions d'électeurs), notamment Le Caire, Alexandrie et Louxor en Haute-Egypte. Chaque tour de scrutin se déroulant sur deux jours, les bureaux seront encore ouverts mardi pour élire 168 des 498 députés de la nation. Le système électoral complexe prévoit un découpage en trois régions du pays, le plus peuplé du monde arabe avec plus de 80 millions d'habitants. Le vote pour l'Assemblée du peuple se déroulera jusqu'au 11 janvier et les résultats complets seront connus deux jours plus tard. Viendra ensuite l'élection de la Choura, la chambre haute consultative, du 29 janvier au 11 mars. La campagne électorale a été éclipsée par une poussée de contestation du pouvoir militaire qui gouverne le pays depuis la chute de Moubarak, émaillée ces derniers jours de violences qui ont fait 42 morts et plus de 3.000 blessés. Le maréchal Hussein Tantaoui, chef de l'armée au pouvoir et chef d'Etat de fait, a effectué une tournée dans la matinée dans des bureaux de vote pour s'assurer du bon déroulement du scrutin. Sur la place Tahrir au Caire, épicentre de la mobilisation, des manifestants encore présents affirmaient lundi ne pas croire au pouvoir des urnes pour obtenir le départ des militaires au pouvoir. «Ce qu'on demande ici à Tahrir, c'est la chute du maréchal Tantaoui, donc évidemment je ne participerai pas aux élections qu'il organise», affirme Omar Hatem, étudiant de 22 ans. «Je vote pour l'avenir de l'Egypte. Ce sont les premières élections libres de mon pays», souligne en revanche Youssouf, un informaticien de 25 ans devant un bureau de vote à Alexandrie. «Pendant trente ans nous sommes restés silencieux, maintenant c'est fini», renchérit de son côté Samira, 65 ans, à Zamalek, le quartier huppé du Caire. «Avant, voter ne servait à rien», affirme Mona Abdel Moneim, venue voter à l'école Omar Makram de Choubra, un quartier populaire du Caire. Après les élections en Tunisie et au Maroc, l'Egypte est le troisième pays à connaître une élection majeure dans une région bouleversée par le «Printemps arabe». Le mouvement des Frères musulmans, la force politique la mieux structurée du pays et son parti, «Liberté et Justice», s'estiment en position de force face à des dizaines de partis salafistes (fondamentalistes musulmans), libéraux ou de gauche, le plus souvent récents et encore mal implantés. De nombreux élus de l'ancien parti de M. Moubarak, aujourd'hui interdit, tentent leur chance comme indépendants ou sous des bannières politiques nouvelles. L'armée et la police assuraient une protection discrète des bureaux de vote, tandis que dans certains quartiers, des «comités populaires» ont été formés pour prévenir les violences. Selon l'agence officielle Mena, 161 plaintes ont été déposées en raison du retard dans l'ouverture des bureaux ou l'arrivée des bulletins de vote. Des électeurs se sont plaints de bulletins ne portant pas de tampon valable, et des observateurs n'ont pas été autorisés dans certains bureaux, d'après l'agence. Sept ONG étrangères, dont le Centre Carter de l'ex-président américain Jimmy Carter, surveillent ces législatives. Le futur Parlement devra nommer une commission chargée de rédiger une nouvelle Constitution, une étape décisive dans la transition du pays vers la démocratie promise. Ces élections doivent être suivies avant la fin juin 2012 par une présidentielle, après laquelle le pouvoir militaire a promis de rendre le pouvoir aux civils.