Lors de l'installation du nouveau responsable de la Sonatrach, le ministre en charge du secteur de l'énergie a rappelé les nouvelles priorités fixées à la Sonatrach. Il s'agit d'abord et avant tout de l'élargissement des réserves d'hydrocarbures du pays et singulièrement celles du gaz naturel. J'ai pour ma part une lecture explicative sur ces retards observables par tous dans le renouvellement de nos réserves d'hydrocarbures. J'en parlerai plus loin. Mais au préalable il faut en faire le point à partir du bilan élaboré par la Sonatrach elle-même. Ainsi, Saïd Sahnoun, vice-président amont de la Sonatrach, nous avait déjà révélé que “le taux de renouvellement de nos réserves a été de 50% en 2010.” En d'autres termes, le domaine minier algérien n'a fait l'objet -dans l'année considérée- que de vingt neuf découvertes estimées à 92 millions de tonnes équivalent pétrole (tep), alors qu'il en a été extrait le double. Certains observateurs expliquent cette asymétrie préoccupante par un profil d'exportation trop élevé entraînant ainsi un rythme d'extraction excessif. Les productions respectives de 55,3 millions de tonnes de pétrole brut et 145,8 milliards de mètre cube réalisées en 2010 font de nous un pays pétrolier modeste mais avec un fort potentiel. Pour ma part je considère, en vérité, que les problèmes sont essentiellement ailleurs. Voyons pourquoi. Premier élément récurrent qui ressort de l'analyse : c'est la production en partenariat qui tire et tirera encore la croissance du secteur algérien des hydrocarbures. Ainsi la production en partenariat représente près de 60% de la production globale de pétrole (800 000 baril/jour sur un total de 1,4 million de baril /jour). Cette tendance se maintiendra dans les prochaines années puisqu'il est annoncé la mise en service en 2012 du gisement d'El Merk qui produira 100 000 baril/jour en association avec les groupes pétroliers Anadarko, Maersk et Eni. Plus tard, mais avant 2015, les champs de pétrole de Menzel Ledjmet (Touggourt) seront aussi mis en exploitation, en partenariat cette fois avec Petro Vietnam, l'Eni (Italie) et Conoco Philips (USA). De plus sur les vingt neuf découvertes qui ont été faites en 2010, seuls deux l'ont été en partenariat. Ce qui indique bien que le dispositif légal et réglementaire en vigueur n'a pas été assez attractif pour attirer les grands groupes pétroliers internationaux. Il faudra donc tirer les leçons de l'échec relatif des trois appels d'offres internationaux lancés depuis la promulgation de la nouvelle loi sur les hydrocarbures Par ailleurs malgré les efforts de la Sonatrach en matière de forage, la moyenne des puits forés sur 10 000 km2 est de 13 en Algérie contre 105 en moyenne dans le reste du monde. Certes cette moyenne était de 10, mais on est loin du compte car les deux tiers du domaine minier (1 553 488 km2) restent inexplorés. Mais il faut savoir que la recherche et les productions difficiles de certaines réserves prouvées (un trillion de m3 de gaz naturel) exigent des technologies nouvelles et des investissements plus lourds. Sans parler de la production des gaz de schistes. Cela ne peut être le fait de petites compagnies, ou de la Sonatrach seule, mais de partenaires de premier plan. Tout le monde en convient. Pour le moment, les deux dernières découvertes, en association respectivement avec le groupe russe Gazprom et le groupe allemand Rhurgas, l'ont été dans le bassin connu et prometteur de Berkine. Il va donc falloir réviser, sans état d'âme, la loi sur les hydrocarbures pour en améliorer l'attractivité de l'investissement étranger dans les hydrocarbures. Qu'on l'appelle révision ou actualisation, il faut s'y mettre d'autant plus vite que les recompositions géopolitiques en cours dans la région Moyen orient / Afrique du nord et les crises des dettes souveraines européennes auront un impact direct sur nos stratégies énergétiques. Le principe de base de cette actualisation devrait être simplement le retour aux pratiques internationales et concurrentielles en la matière. Mon inquiétude est qu'en ces temps préélectoraux des surenchères faussement nationalistes viennent perturber l'effort réformateur de mise à jour par les experts et les professionnels algériens spécialisés qui savent bien ce qui a lieu d'être changé. Faisons leur simplement confiance. Pour ma part, j'estime que cette révision de la loi sur les hydrocarbures devrait porter notamment sur l'assouplissement des niveaux et des for mes d'intervention de la Sonatrach dans les associations de recherche et production car il vaut mieux gagner un pourcentage significatif, même inférieur à la moitie, que 51% de rien du tout puisque les partenaires de premier plan ne viennent pas. De plus l'inclusion majoritaire systématique de la Sonatrach, car obligatoire du fait de la loi en vigueur, n'est pas un bon service que l'on rend à cette dernière car dans la prospection d'hydrocarbures on ne gagne pas à tous les coups sinon cela se saurait. Outre les pertes que la Sonatrach peut encourir la dispersion de ses ressources techniques et managériales peut la pénaliser également. L'enjeu de cette révision de la loi sur les hydrocarbures est plus complexe et plus stratégique qu'il n'apparait en premier abord. Ce n'est pas seulement celui d'assurer la génération durable, à un niveau acceptable, de recettes en devises pour le pays (entre 71 et 72 milliards de dollars prévus pour 2011). Cet enjeu comporte aussi et surtout les impacts potentiels avérés sur nos équilibres économiques et sociaux internes à moyen et long terme. Tout le monde sait que la société et l'économie algérienne sont gazo-dépendantes : électrification quasi généralisée du pays à partir de centrales fonctionnant au gaz, usines de déssalement d'eau de mer utilisant le gaz comme énergie, pétrochimie et industries des engrais utilisant le gaz comme premières, cimenteries et briqueteries etc. Aussi la nécessité d'intensifier l'exploration est impérative du fait d'une part de l'essoufflement de gisements de gaz importants et d'autre part du fait du niveau de nos engagements contractuels d'exportation ainsi que de la montée des besoins énergétiques nationaux. Il est heureux à ce sujet que le programme algérien des énergies renouvelables prenne en charge cette contrainte sur le long terme en y intégrant progressivement la source électro solaire dans les centrales électriques utilisant le gaz naturel seulement jusqu'à présent. Certains observateurs, confortant cette nécessité, estiment même que les scénarios de la commission de régulation de l'électricité et du gaz (CREG) sont sous évalués, et avancent un scénario d'une consommation domestique de 60 milliards de mètres cube /an de gaz à l'horizon 2020 soit 45% de ce qui a été produit en 2010. En conclusion, aurons-nous la volonté et la capacité à opérer rapidement les ajustements institutionnels pragmatiques requis dans le secteur des hydrocarbures dans le contexte national des prochaines compétitions politiques ? Dans tous les cas il faut savoir que cela aura un impact stratégique sur le trend de développement du pays et de la diversification durable de son économie. Un consensus national est requis sur la question. Peut-il être mis en place ? On ne tardera pas à le savoir. M. M.