Dans le cadre de l'organisation provisoire des pouvoirs publics en Tunisie en attendant que l'Assemblée constituante élabore les nouveaux textes fondamentaux du pays, de graves divergences ont été enregistrés entre les partis concernés lors des réunions des commissions. Se rendant compte que son candidat à la présidence de la République, Moncef Marzouki, risquait de se retrouver à un poste purement honorifique, le Congrès pour la République (CPR) a clairement laissé entendre qu'il n'acceptera pas une présidence “fictive”. Il fait allusion au projet de loi initié par Ennahda, appelant à des “prérogatives réelles” dans le cadre d'un régime qui confèrera aux trois présidences (du pays, du gouvernement et de l'Assemblée) “le rôle qui leur sied dans la gestion de la phase délicate dans laquelle s'engage le pays”. Le parti Ettakattol a, de son côté, critiqué la position du parti Ennahda qui “a présenté des projets prêts à l'adoption” sur des questions “délicates” liées notamment aux pouvoirs réduits dédiés au prochain président de la République face aux larges prérogatives conférées au Premier ministre, proposés par Ennahda. En d'autres termes, ces deux partis de la coalition tripartite refuse que les pouvoirs soient concentrés entre les mains de Hammadi Jebali, le futur Premier ministre proposé par le parti islamiste Ennahda. Ainsi, les réunions de l'Assemblée constitutionnelle tunisienne au niveau des commissions chargées d'examiner l'organisation provisoire des pouvoirs publics et le règlement intérieur de l'Assemblée se déroulent sur fond de “grandes” divergences entre la majorité et l'opposition. Selon certaines sources, il n'est pas exclu que ces divergences entravent la conclusion d'un accord sur le projet de loi relatif à la nomination des candidats aux postes de président par intérim et Premier ministre au sein du prochain gouvernement, car elles concernent notamment la nature du prochain système politique (parlementaire ou présidentiel) et les larges prérogatives que le projet de loi, proposé par Ennahdha, prévoit en faveur du premier ministre. Les parties en négociations ne s'entendent également pas sur le règlement intérieur de l'Assemblée constituante, particulièrement les dispositions relatives au mode de vote, à savoir la majorité absolue ou la majorité des deux tiers, et des lois et articles se rapportant à la prochaine Constitution et au retrait de confiance du gouvernement. Selon plusieurs partis représentés à l'assemblée issue des élections du 23 octobre dernier, le projet de règlement intérieur de cette institution proposé par le mouvement Ennahda constitue “une menace pour la démocratie en Tunisie” car il “consacre la tendance du parti à imposer ses positions au sein de l'assemblée”. Pour rappel, les trois partis de l'Alliance tripartite, majoritaire à l'Assemblée constituante, étaient parvenus à un accord selon lequel le poste de président de la République par intérim sera attribué au secrétaire général du Congrès pour la République (CPR), Moncef Marzouki alors que le secrétaire général d'Ennahda, Hammadi Jebali occuperait le poste de Premier ministre. Le dirigeant du parti Ettakatol, Mustapha Ben Jaafar, sera placé à la tête de l'Assemblée constituante. Des partis politiques et des associations ont organisé mercredi devant le siège du Parlement des manifestations pour exiger “un processus démocratique transparent au sein de l'assemblée et dénoncer la menace d'une réédition d'une dictature sous une autre forme. Ils ont souligné la nécessité de respecter le principe de la séparation des pouvoirs et de permettre à chaque pouvoir de prendre des décisions”, allusion au projet du règlement intérieur de l'Assemblée constituante. Merzak Tigrine