Dans ce classement, l'Algérie a perdu 14 places en trois ans. Tandis que la plupart des pays de l'Afrique sub-saharienne et du Maghreb progressent dans l'amélioration du climat des affaires, notre pays a reculé de plusieurs crans, en raison de l'immobilisme des pouvoirs publics. Le statu quo actuel en matière de décisions économiques, de réformes fait reculer l'Algérie telle est la première conclusion du déjeuner-débat organisé jeudi par le think tank de Liberté “Défendre l'entreprise” sur le climat des affaires, à l'adresse d'entrepreneurs, de responsables d'institutions publiques, de représentants d'associations patronales et des médias. L'objectif visé par la rencontre est de contribuer à améliorer le climat des affaires en Algérie, déterminant en matière de création de richesses et d'emplois, voire dans la compétitivité de l'économie nationale. D'emblée, le professeur Belmihoub, économiste et membre du comité exécutif du think tank, a planté le décor. Il a présenté une communication intitulée : “Le classement Doing Business de l'Algérie, comment l'améliorer ?” Ce classement, établi par la Banque mondiale et la Société financière internationale, intitulé “Doing Business 2012”, qui porte sur l'amélioration du cadre réglementaire en matière de climat des affaires dans 183 pays, indique que l'Algérie occupe la 148e place contre la 143e position dans le rapport 2011 et la 136e dans celui de 2010. “L'Algérie aura perdu 14 places en trois ans. L'amélioration du cadre réglementaire des affaires dans chaque pays est mesurée à travers trois paramètres fondamentaux : le nombre de procédures, les délais d'obtention d'une autorisation et le coût de la procédure. Dans la plupart des indicateurs, l'Algérie figure au-delà de la 100e position, soit parmi les derniers rangs dans le monde. Elle est classée 167e dans le commerce transfrontalier (importations-exportations), 153e dans la création d'entreprises, 118e dans l'accès au permis de construire. La Palestine, en état de guerre, mieux classée que l'Algérie Pis encore, dans la région Moyen-Orient Afrique du Nord, l'Algérie occupe la 16e position sur 18 pays. La Palestine, en état de guerre, est mieux classée. Seuls l'Irak et Djibouti affichent de plus mauvaises performances. Dans le raccordement à l'électricité, l'Algérie est classée dernière. Il faut 159 jours pour accéder à l'électricité pour une entreprise. Un délai de 27 jours est nécessaire pour une importation (enlèvement de la marchandise). Ce délai n'a pas changé depuis quatre ans. Ce qui est fort long. “Ce qui est préoccupant, ce n'est pas tant le classement mais l'immobilisme constaté des pouvoirs publics”, conclut le professeur Belmihoub. L'orateur cite, en ce sens, des cas exemplaires. “Le cas des pays de l'Europe de l'Est et de l'Asie centrale montre que des progrès rapides peuvent être atteints si la volonté politique est présente. On peut citer la Géorgie qui est passée de la 128e place en 2005 à la 16e place en 2012, la République de Moldavie de la 68e en 2009 à la 22e en 2012, le Kazakhstan de la 66e place en 2009 à la 47e place en 2012”, souligne le professeur Belmihoub. Quels domaines pourraient être améliorés rapidement ? Le think tank “Défendre l'entreprise” suggère comme première action de diminuer drastiquement le degré de corruption de l'administration et comme seconde action de réformer l'administration, de la rendre plus professionnelle afin d'améliorer la qualité des services pour les citoyens. Mais cela demande une forte volonté politique. La troisième action, elle, peut être réalisée plus rapidement : la simplification des procédures. Il s'agit, préconise le think tank “Défendre l'entreprise” de généraliser la formule de guichet unique dans une approche réellement opérationnelle, de délivrer le registre du commerce provisoire à valeur limitée. Au plan de la fiscalité, il convient de limiter le nombre d'impôts, d'unifier les procédures, de favoriser les régimes déclaratifs, de développer les déclarations électroniques. Il s'agit, également, de simplifier les procédures d'enregistrement des garanties. Dans le domaine du commerce extérieur, le think tank suggère la généralisation du couloir vert, le développement des bases de données du secteur, l'utilisation de l'EDI (échanges électroniques de données) dans les transactions. La réforme de l'Etat, un excellent travail, n'a pas été mise en œuvre Quels bénéfices en tirer de ces rapports Doing Business ? Ces classements permettent aux pouvoirs publics de tirer les leçons des expériences des autres pays et de s'inspirer des bonnes pratiques dans le monde. Le rapport reste un excellent outil pour le débat économique. Il permet de s'évaluer et de rester très vigilant sur l'évolution du cadre réglementaire dans le monde. “Une économie, qui ne se réforme pas, prend du retard qui sera difficile de rattraper”, avertit-il. Pourquoi l'Algérie est-elle mal classée dans la catégorie des pays à revenus intermédiaires dans ce rapport 2012 ? “Les réformes, notamment de l'administration, tardent à se mettre en place. Le pouvoir discrétionnaire est très important en Algérie. La simplification des procédures administratives ne se fait pas. On enregistre l'absence d'instances de coordination et d'évaluation des mesures arrêtées”, a expliqué l'économiste. Au cours du débat, des entrepreneurs ont pointé du doigt la généralisation de la corruption, comme l'une des entraves principales au progrès économique de l'Algérie. Mouloud Hedir, membre du Forum des chefs d'entreprise, a souligné que l'étendue de la corruption est effarante en Algérie. “En Libye, l'autoroute a coûté 5 milliards de dollars, en Algérie l'Autoroute Est-Ouest 11 milliards de dollars. Ce pays peut disparaître au regard du contexte politique à l'échelle mondiale”. Allusion aux risques que font peser les ingérences étrangères, consacrées aujourd'hui dans les relations internationales, sur des pays affaiblis par la mauvaise gouvernance ou les conflits intérieurs. Mais comment en est on arrivé là ? Dans la foulée, Zaïm Bensaci, président du Conseil national consultatif de la PME, a répondu que la corruption mine l'Algérie. “Pour que le pays s'en sorte, il faudrait éliminer ce phénomène. On est dans une situation kafkaïenne avec cette bureaucratie dans les ports. On tourne en rond”, constate-t-il. Une bureaucratie kafkaïenne entrave l'essor du pays Le professeur Bouzidi, économiste et membre du comité exécutif du think tank, suggère, lui, un vrai débat sur l'économie nationale. “Une économie nationale qui n'avance pas recule”, a-t-il observé. Il a rappelé que la raison de cet enlisement n'est pas économique mais politique. L'économiste pointe de nouveau du doigt le système rentier qui par essence est l'ennemi du producteur. Par ailleurs, Mouloud Hedir a posé, lui, le problème de l'application des textes réglementaires. Beaucoup de mesures arrêtées ne sont pas mises en œuvre. Tel est le cas de la réforme de l'Etat, un excellent travail effectué mais dont les actions retenues n'ont pas été appliquées. La méfiance à l'égard des entrepreneurs a été également abordée. Que veut-on faire de l'Algérie, une république d'intelligence, de débats ou une république privatisée au profit d'une minorité, s'est alors, demandé Karim Mahmoudi, le président de la Confédération des cadres de la finance, avec cette gouvernance qui ne répond pas aux attentes de la population, avec cette absence de volonté politique au sommet de l'Etat ? K. Remouche