“Le colonialisme est toujours là !” Cette phrase, lourde de sens, a été lâchée avant-hier par l'écrivaine Djoher Amhis-Ouksel, lors d'une conférence organisée par la fondation Mahfoud-Boucebci, à Riadh El-Feth, à Alger. L'animatrice de cette rencontre consacrée au psychiatre Frantz Fanon a rappelé, dans ce cadre, que ce dernier avait compris que “la décolonisation n'impliquait pas la fin de la domination.” “L'aliénation, c'est de croire que le colonisateur disparaîtrait avec la décolonisation”, a expliqué Mme Amhis, en précisant plus loin : “Pour Frantz Fanon, on ne peut dissocier le colonialisme du racisme ni faire abstraction des tentatives d'effacement de l'autre (le colonisé, ndlr) pour mieux le dominer.” La conférencière a également insisté sur le fait que l'ancien psychiatre algérien, “homme d'engagement et de conviction (…) avait aussi associé l'aliénation mentale à l'aliénation culturelle”. “Tous les colonisateurs ont commencé par détruire l'histoire (des peuples qu'ils ont colonisés, ndlr), ensuite la langue”, a indiqué la professeure de langue française. Elle a aussi noté que l'étude de Frantz Fanon relative à la relation entre le colonisateur et le colonisé montre que le premier “fabrique des colonisés et des colonisateurs”, alors que le second est “constamment nié”. Dans cette optique, l'intervenante a estimé que le travail de désaliénation est essentiel pour permettre au décolonisé de “ne plus se voir dans l'autre et à travers l'autre” et d'aller vers “la reconquête pour soi et pour sa dignité”. “Lire et relire Frantz Fanon est une source de réflexion infinie”, a révélé Mme Amhis, qui a considéré que le dernier ouvrage du militant d'origine martiniquaise est “un véritable testament”, d'autant que Frantz Fanon, souffrant d'une leucémie, savait qu'il allait mourir. L'animatrice de la rencontre de Riadh El-Feth a en outre tenu à rappeler les mises en garde de l'ancien représentant du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) sur “le piège de l'universalité”, voire sur celui de “la mondialisation”. Même si Mme Amhis a refusé d'analyser la pensée de Fanon, à la lumière des événements apparus, ces dernières années, dans le sillage de “la mondialisation”, à l'exemple de l'occupation de l'Irak par les forces américaines, des bouleversements observés sur la scène régionale et, plus récemment, du bombardement de la Libye par l'OTAN, elle a cependant reconnu que l'entreprise coloniale n'a pas encore été anéantie. S'agissant de l'Algérie, elle a déploré l'absence d'un “véritable travail pour l'éveil national”, depuis l'indépendance politique du pays. Selon elle, l'Algérie est devenu “un pays fragilisé” souffrant de plusieurs failles, dont “la faille éducative, la faille morale et la faille religieuse”. Djoher Amhis-Ouksel, par ailleurs, a regretté qu'il n'y ait aucun “contre-discours” pour la jeunesse, confrontée continuellement aux messages “dévalorisants” et aux “chaînes de TV débiles”. Hafida Ameyar