"Fanon anticolonial, Fanon post colonial", tel était le thème évoqué au deuxième et dernier jour du colloque organisé, jeudi, à Oran par la fondation "Avempace Institution". Militant politique, penseur, Frantz Fanon a été surtout et avant tout psychiatre qui a exercé ses fonctions d'abord à Lyon avant d'être affecté à l'hôpital de "Joinville" à Blida. Ce volet de l'activité de l'auteur des "Damnés de la terre" a été évoqué, bien évidemment dans cette rencontre. De son coté, M. Khaled Ouaddah, psychologue et psychanalyste, professeur à l'université d'Oran, affirme que Fanon était "en avance dans l'approche de la psychiatrie de l'époque. Il a abordé la question coloniale sous l'angle de l'aliénation et des désastres causés sur les organisations culturelles et sociales des pays colonisés", a-t-il expliqué."En émouvant analyste de la dépersonnalisation du colonisé, ce penseur découvre, dans le champ de sa pratique clinique, la grande question du lien posé par Freud entre l'ordre psychique individuel et l'organisation culturelle", a souligné M. Ouaddah. Pour l'auteur de "Peau noire et masque blanc", "la logique de l'aliénation coloniale trouve son fondement dans ce paradoxe: peut-on concevoir une représentation du sujet qui le désarrime de son assignation culturelle ?". "Cette interrogation cruciale fait de Fanon, le précurseur dans l'histoire de la psychiatrie au Maghreb d'une approche psychanalytique des enjeux de la désubjectivation (aliénation) dans la société colonisés", a expliqué l'orateur. Pour sa part, la psychiatre Alice Cherki, qui a travaillé avec Fanon à Blida et à Tunis et signé un livre intitulé "Frantz Fanon, portrait", a parlé de l'aliénation chez ce militant, établissant "le lien entre aliénation individuelle et aliénation collective". La conférencière a expliqué que "l'aliénation transforme l'être humain en objet n'ayant plus de repères symboliques, ni de projets". Pour Mme Cherki, Fanon s'est opposé à l'aliénation et a plaidé pour la libération culturelle, politique, économique, sociale mais surtout celle de l'homme, qui reste au centre de toutes les préoccupations. Alice Cherki a rappelé qu'avant de s'intéresser au racisme, Fanon a subi ce phénomène et ce rejet par les autres. D'abord au sein des Forces françaises libres, lors du débarquement allié, puisqu'il a eu à affronter les injustices et les inégalités, du fait qu'il était "indigène", puis à l'université et auprès des travailleurs émigrés qui venaient le voir lorsqu'il était en poste à Lyon. Puis à Blida, où il a eu à vivre sous son hideux visage, le racisme et le rejet de l'autre (l'Algérien). Dans sa communication, l'oratrice a souligné que Fanon dans son analyse du racisme et du colonialisme, a déplacé le racisme biologique vers le racisme culturel. Il insiste sur l'aliénation dans le rapport dominant-dominé et la violence dans ce rapport. Fanon a analysé les effets de cette violence sur le dominé. "Sortir de cette aliénation nécessite une véritable décolonisation de l'être, mais dont la finalité sera l'enrichissement réciproque des cultures en vue d'une nouvelle universalité", ajoute-t-elle.