Younès Sabeur Chérif, ce nom ne vous dit peut-être rien, pourtant, à seulement 23 ans, ce jeune étudiant en sciences politiques et relations internationales à l'université Alger 3, a changé la face des médias en Algérie, en créant et gérant, avec une bande d'amis, la première page Facebook de “Journalisme citoyen” : Les Envoyés spéciaux algériens...ESA pour ses 87000 membres et les milliers de visiteurs par jour. Dans quelques jours, il lancera avec un ami journaliste, Abderrahmane Semmar, le premier portail de journalisme citoyen en Algérie et au Maghreb, NessNews.com “J'ai créé la page des Envoyées spéciaux algériens en juillet 2010 pour faire connaître l'Algérie profonde avec des vidéos amteurs, se rappelle Younès, j'ai eu l'idée quand un ami à moi, Yacine Zaïd, postait ses vidéos sur Youtube, la page facebook servait à relayer ce genre de vidéos, puis quelque temps après on s'est fait connaître en relayant l'affaire de El-Hadja Rahma.” El-Hadja Rahma a été la première preuve qu'Internet pouvait changer les choses en Algérie. Une vieille dame qui vivait dans une situation précaire et un habitat insalubre. Les photos et les vidéos ont vite fait le tour de Toile algérienne, Youtube puis Facebook, s'ensuit une grande mobilisation qui a réussi à trouver les moyens de prendre entièrement en charge les besoins de El-Hadja Rahma. “Après cela, on a continué à activer, demander aux gens de partager leurs photos et vidéos et informations sur leur coin, concernant la situation de vie des gens, les accidents, les aides aux malades... En janvier 2011, on avait 5000 fans, puis le déclenchement des émeutes a permis de concrétiser l'idée de la page, chaque adhérent s'est mis à raconter en direct ce qui se passait dans son quartier. En seulement trois jours, on avait eu 10 000 membres suplémentaires. J'avais des examens à la fac, j'ai dû demander de l'aide à des amis, nous confie Younès, pour gérer avec moi la page, parmi eux mon acolyte depuis des années Hamoudi Amine.” La presse écrite algérienne a trés vite été dépassée par la réactivité de ses journalistes citoyens, certains prenaient des informations de leur page sans les citer, Liberté Numérique, a été la première à leur consacrer un article. “Au mois de février à l'annonce des marches du CNCD, on a décidé de partir sur le terrain, avec une petite caméra que mon père a acheté lors d'un pèlerinage à La Mecque, du crédit sur nos téléphones et deux amies derrière les ordinateurs, on a couvert l'évènement. Ce 12 février on a fait un pic d'audience en enregistrant 10000 autres fans en une journée.” Les médias se sont alors intéressés à eux. Pour Younès, la médiatisation allait aussi servir à se protéger contre d'éventuelles attaques ou manipulations. Dans sa frileuse ouverture, même la télévision algérienne a décidé de faire un sujet sur ESA, mais le lendemain de l'enregistrement, rien, le sujet est censuré. ESA réagit très vite, raconte sur la page, la presse reprend l'information, le journaliste de l'ENTV les appelle et prétexte que le sujet a été retiré à cause d'une prise d'écran de leur page où l'on apperçoit la photo de Bouteflika et Belkhadem... trop maigre excuse pour Younès. C'est la radio française France-Inter, qui a consacré une série de reportages sur l'Algérie qui leur donne un nouveau coup de pouce médiatique et fait défnitivement installer l'idée de la création d'un site qui sera complémentaire avec la page Facebook. Il s'agira de donner de l'épaisseur et de la lisibilité aux informations que partagent les citoyens “avec une nouveauté, nous dit Younès, la possibilité de mettre des brèves en seulement 300 caractères, le contributeur chsoisira sa commune, mettra un titre et pourra poster directement l'information”. NessNews.com va être en ligne avant la fin janvier. Pour Younès Sabeur Cherif, ce n'est que le début de l'aventure, plein de projets trottent dans sa tête, même l'idée de faire de la politique. Pour le moment, il veut mener à bien et le plus loin possible l'idée du journalisme citoyen, forcer l'ouverture médiatique est pour lui un des principaux moyens d'enclencher le changement en Algérie, un changement pour lequel il “se bouge” depuis des années. H. Y.