Souvent lorsque l'on parle d'un nouveau régime de croissance pour l'Algérie, on a tendance à ne se référer qu'à l'industrie et l'agriculture en oubliant, la plupart du temps, l'économie numérique portée, pour une grande partie, par des start up locales qui sont généralement des TPE ou des PME. Or il me semble justement que s'il y a une branche pour laquelle toutes les conditions de développement et de succès sont réunies c'est bien celle de services de l'économie numérique dont le vecteur est constitué par ces start up. Cela même si des contraintes contrarient encore son éclosion. Par ailleurs le nombre et la qualité des start up sont des indicateurs d'efficacité de trois piliers majeurs qui se trouvent au cœur de l'économie fondée sur la connaissance (EFC). Il s'agit de l'éducation, du développement de l'entreprise et des TIC. Voyons donc quels sont ces facteurs de succès et essayons d'identifier ensuite les contraintes persistantes qui gênent malgré tout leur essor. Je vois pour ma part quatre grands facteurs de succès qui sont réunis en dépit d'un climat des affaires encore médiocre et d'un mauvais classement en matière d'innovation puisque l'indice mondial de l'innovation pour 2011 classe l'Algérie dernière. Le premier élément réside d'abord dans l'émergence sur le terrain de l'ensemble des acteurs impliqués par la création et le développement des start up et l'expérience que ces derniers ont déjà accumulée en termes de succès mais aussi d'échecs. Il n'y a qu'à voir le nombre de promoteurs ou de jeunes promoteurs potentiels qui ont participé à la semaine du web tenue du 18 au 23 avril 2011 au cyberparc de Sidi Abdallah. A cette occasion cinq jeunes algériens ont été certifiés sous supervision belge, britannique et française « expert référencement » CESEAO des sites Internet sur les moteurs de recherche. On peut citer également les dix équipes regroupant 100 participants à la « Start up week end » organisée du 17 au 19 novembre 2011 par Mohamed Bougaa, président du club scientifique de l'Ecole supérieure d'informatique d'Oued Smar (CSE). Cet événement, crée et supervisé mondialement par une association non gouvernementale installée à Seattle (USA), est un concours ayant pour objet la « création » par les candidats d'une entreprise en 54 heures et l'obtention de l'adhésion du jury dans une présentation de 5 minutes. Cette manifestation algéroise a été classée première sur la page Twitter parmi des dizaines d'événements similaires à travers le monde. Le promoteur du meilleur projet a ainsi obtenu 30 mois de prise en charge par l'incubateur de Sidi Abdallah. Rappelons à ce propos la première initiative, appelée « Algerian Start up initiative » (ASI), lancée en 2009. L'ASI a pour objectif de promouvoir d'abord des plates formes éducationnelles virtuelles au profit des universités algériennes et ensuite sélectionner et coacher les meilleurs projets de start up locales, en collaboration avec les pouvoirs publics et la diaspora algérienne. Le premier concours a regroupé 140 étudiants et jeunes promoteurs en informatique et TIC. Le jury, composé d'entrepreneurs et chercheurs algériens installés à la Silicon Valley, avait retenu trois projets. Il s'agit du projet de la téléphonie mobile, «SMS Gateway over IP» de l'équipe de Nassim Hartani, du projet sur le web «Publicité sur support jeux vidéo» de l'équipe d'Amel Chouikh et du projet e-santé relatif à la gestion des dossiers des patients en cabinet privé et en milieu hospitalier, conduit l'équipe de Hakim Chaid. Malgré les difficultés enregistrées lors du premier projet, une deuxième opération du même type sera lancée à Alger les 20 et 21 février 2012 en présence probablement de Belgacem Haba de la Silicon Valley, « l'homme aux deux cent brevets ».Pour plus d'information on pourra consulter le site www.adi.50.org. Quant aux acteurs institutionnels, ils sont pour une grande partie en place. Ils disposent même d'une certaine expérience, y compris des échecs dont il faudra tirer les enseignements. On peut citer non seulement les universités et les instituts d'informatique mais aussi l'agence nationale du développement des parcs technologiques, et l'agence nationale de soutien à l'emploi des jeunes (ANSEJ) qui accompagnent également les jeunes promoteurs de start up. Deuxième facteur favorable : l'existence d'un marché émergent encore vierge mais en forte croissance. Les TIC ne concourt qu'à hauteur de 4% du PIB mais avec un objectif de court terme de 8%. Il faut signaler également à ce sujet les importants besoins en formation et en industries du contenu pour les entreprises et les particuliers qui ont vocation à être couverts localement. Troisième facteur favorable dû à la spécificité de l'activité : les barrières technologiques à l'entrée sont inexistantes contrairement aux branches industrielles. Les produits du web en « open source » rendent les outils informatiques requis disponibles et à la portée de tous. Enfin le quatrième et dernier facteur potentiel de succès consiste dans la culture commune acquise par les jeunes diplômés algériens formés aux mêmes standards internationaux du fait du caractère transfrontalier des outils utilisés et des prestations offertes. Par définition les start up fabriquent des produits exportables. Les éléments de compétitivité ne résident plus dans le niveau initial de capitalisation de l'entreprise mais se trouvent dans la compétence et le talent des ingénieurs et des managers Il reste à parler des insuffisances qu'il faudra réduire. Elles sont de plusieurs types. Il y a d'abord les retards et le manque de fiabilité des infrastructures de TIC et d'accès à Internet. Il y a également les contraintes bureaucratiques de toute sorte communes à l'ensemble des entreprises. La modernisation des systèmes de gouvernance et de gestion des administrations et des entreprises est aussi un préalable si l'on veut faire émerger une offre de services de contenu. Par exemple avant d'arriver aux prestations d'e-banking il faudra d'abord généraliser et sécuriser l'utilisation du paiement par carte électronique des transactions commerciales courantes. Autre point c'est l'instauration d'un climat entre acteurs et partenaires de la branche car autant les jeunes sont mobilisables et créatifs, autant une perte de confiance notamment du fait d'engagements non tenus est difficile à rétablir. Un dernier obstacle persistant c'est celui de l'informel. Car il est évident que l'utilisation généralisée par les entreprises et les ménages d'outils et de services numérisés, donc traçables et transparents, va se heurter à son rejet par l'économie informelle et les pratiques informelles dans toutes leurs déclinaisons. Pour réduire cet obstacle il faudra une volonté politique forte car de gros intérêts sont en jeu. Finalement pour conclure, on voit bien que les moteurs pour une croissance diversifiée et durable sont là. Pour les allumer il faudra forcément engager de profondes réformes institutionnelles, sociales et économiques qui ne pourront être mises en œuvre que si un large consensus démocratique est mis en place dans le pays. C'est valable pour cette branche ; c'est valable aussi pour les autres secteurs. C'est aussi cela l'enjeu des prochaines législatives. Chassez le politique, il revient au galop. M. M.