Résumé : Saïd est rentré. Nadia ne reconnaît presque pas son frère. Elle sent la haine au fond de lui et ne comprend pas d'où elle lui est venue. Il est devenu dangereux. Sa façon de lui répondre l'en convainc plus que jamais. Elle voudrait le dénoncer à la police, mais Ghania refuse... -Ghania, on ne peut pas rester les bras croisés ! Il est dangereux, insiste Nadia. Il y va de la vie des autres. Si on ne le dénonce pas, on deviendra ses complices ! - Il faut lui laisser une chance, rétorque Ghania. Quand il reviendra, je lui parlerai. Il a toujours eu un bon fond. Je refuse de croire qu'il ait disparu ! Au début, j'en doutais. Mais c'est toi-même qui m'en a convaincue. Tu l'as toujours fait passer pour un ange, lui rappelle-t-elle. Peut-être que ce n'est pas perdu ? - Je n'y crois plus, dit Nadia. En gardant le silence, des gens risquent de mourir. Il faut prévenir la gendarmerie ! - Non, tu n'iras trouver la gendarmerie qu'une fois que je l'aurai dit, s'écria Ghania avant d'éclater en larmes. Tu crois que cela m'est facile à supporter ? Je sais que Saïd va revenir. Je lui parlerai. S'il ne repart pas, nous n'en dirons rien ! Mais s'il repart, je ne t'empêcherai pas d'aller le dénoncer ! - Mais il y a ces photos d'hommes. Peut-être qu'ils vont les tuer ! insiste Nadia. Tu ne penses pas à Omar, à Yanis notre beau-frère ? Leurs photos ne sont pas là par hasard ! Elles sont parmi d'autres. Et toutes représentent leurs futurs proies, leurs prochaines victimes. Peut-être qu'en tardant, ils vont les tuer. On s'en mordra les doigts ! - Si tu le fais maintenant sans mon accord, je ne te considérerai plus comme ma sœur, l'avertit Ghania, à bout. C'est vrai, j'ai peur pour eux, pour mes enfants, pour ces gens, mais imagine qu'il change ? - Il ne changera pas. Ils ne le laisseront pas changer. S'ils s'aperçoivent du moindre changement en lui, ils le tueront pour ne pas être trahis, s'écrie Nadia. Comment peux-tu t'imaginer ne serait-ce qu'un instant qu'il puisse revenir avec de meilleurs sentiments ? Pense à tous ces gens, à Omar, à Yanis. Je t'en prie, donne moi ton accord ! - Jamais, répond Ghania. Mais tu peux toutefois mettre ton mari et Yanis au courant du danger qui les guette. Ne leur dit rien sur Saïd ! Rentre chez toi maintenant ! Nadia prend son sac et rentre directement chez elle. Là, elle tourne en rond dans la maison. L'angoisse maintenant lui soulève l'estomac. Elle vomit le café pris le matin et cède à son envie de pleurer. Son frère est perdu. Elle ne se fait pas d'illusions. Il est irrécupérable. Elle voudrait trouver une solution mais elle est trop bouleversée par le drame qu'allait connaître la famille, pour pouvoir réfléchir. Elle est choquée de savoir son frère devenu membre d'un groupe armé et du danger qu'ils courent, lui ainsi que son mari et son beau-frère. Tous sont en danger et tous l'ignorent. Saïd allait aussi s'en prendre à d'autres, à des inconnus. Comment se méfier d'un garçon aussi gentil que lui ? Aussi beau… Que s'est-il passé qu'elle ignore qui l'a transformé en monstre intérieurement ? Son aspect angélique allait tromper plus d'un, jeune ou vieux. Elle le sait et cela la terrifie. Plus d'une heure passe avant qu'elle ne se reprenne. Elle ne parvient pas à réfléchir mais elle décide de mettre au courant sa sœur Malika. Celle-ci habite Blida. Son mari, un militaire engagé, devra faire attention à sa propre personne. Nadia ne lui dit pas au téléphone. Elle ne peut pas. Si elle l'a appelée, c'est pour lui demander de ne pas bouger de chez elle. - J'arrive, lui dit-elle, je prends un taxi pour ne pas perdre de temps, c'est urgent ! - Pourquoi ? demande Malika qui sent tout de suite une tension dans sa voix. Qu'est-ce qui se passe ? - Je ne peux pas te le dire au téléphone. Mais l'heure est grave, très grave même, répond Nadia avant de raccrocher. Elle sait qu'elle aura des difficultés à trouver un taxi pour l'emmener à Blida. Elle s'en va prier un voisin qui accepte souvent de devenir taxieur clandestin, les jours où il ne travaille pas, pour joindre les deux bouts. Il ne refuse pas quand elle lui avance mille dinars. - C'est urgent à ce point, remarque-t-il. - Oui ! (À suivre) A. K. Vos réactions et vos témoignages sont les bienvenus [email protected]