Liberté : Lors de sa dernière sortie médiatique, le sélectionneur national Halilhodzic a déclaré que les joueurs locaux sont très mal préparés physiquement et aucun d'eux ne peut tenir 90' au haut niveau. Qu'avez-vous à dire sur le sujet ? NOURREDINE SAÂDI : Je partage entièrement l'avis de Halilhodzic, il a raison de déclarer cela. Il faut savoir que ce problème récurrent dure depuis plus de 20 ans. D'ailleurs, tous les entraîneurs de l'équipe nationale ont pratiquement fait le même constat. Les joueurs issus du championnat local sont loin du compte. Ils ne peuvent pas aller au bout de leurs matches et ce, en raison du déficit accusé sur le plan physique. La preuve, je me souviens que lorsque j'étais enseignant à l'Institut national des sports, un mémoire a été réalisé en collaboration avec des maîtres assistants. Ce mémoire évoque une comparaison faite à propos du volume horaire du travail physique effectué par les équipes algériennes et celles de l'étranger. Et nous sommes arrivés à cette amère conclusion que nous ne pouvons pas produire des joueurs au point physiquement capable de jouer au haut niveau, pas par manque de connaissances, mais plutôt en raison du cercle vicieux auquel nous les entraîneurs sommes confrontés. C'est-à-dire ? Comment voulez-vous obtenir des résultats satisfaisants et des joueurs au point physiquement alors que des moyens nécessaires font défaut à plusieurs clubs? Le travail physique est un phénomène additionnel car ce genre de travail doit être pris en considération dès les jeunes catégories. Par exemple, les techniciens doivent développer certaines aptitudes comme la puissance et le physique à partir de 17 ans. Et ce n'est pas au sein de la catégorie senior qu'on va s'amuser à enseigner ou bien à travailler cet aspect. Il y a aussi un élément déterminant qui n'est pas aussi pris en considération par nos joueurs. Il s'agit bien de la préparation “invisible”. Vous voulez parler de l'hygiène de vie du joueur, c'est bien cela ? C'est cela ; l'entraînement est un combat entre l'effort et la récupération. Il faut savoir que les deux volets sont complémentaires. Ce n'est pas un secret de polichinelle : les joueurs algériens négligent cet aspect fondamental pour la réussite de l'athlète. C'est la raison qui pousse les entraîneurs algériens à ne pas augmenter davantage la charge de travail comme cela est recommandé par la méthodologie moderne de peur que les joueurs ne tiennent pas le coup. Si les techniciens algériens vont employer ce genre de méthodes, leurs postes seront menacés. Je peux vous dire que des entraîneurs ont été limogés par des présidents de clubs parce que leurs joueurs protestent contre la charge de travail assez élevée réalisé lors des entraînements. C'est un alibi pour eux pour justifier les mauvais résultats. Donc, cela force les techniciens à s'adapter logiquement à cette situation. C'est malheureux de le dire : celui qui veut devenir professionnel au sens propre du terme, est vite mis à l'écart. Et d'après vous, quelles sont les solutions envisageables pour remédier à ce problème ? Le métier d'entraîneur est ingrat. Quand les choses tournent mal, c'est l'entraîneur qui est pointé du doigt. Mais aucun n'évoque l'hygiène de vie des joueurs. Je le dis haut et fort : les joueurs n'assument pas leurs responsabilités. Figurez-vous que le joueur algérien, avant de s'entraîner ou bien à la mi-temps des matches, la plupart des joueurs se bourrent la bouche avec le tabac àchiquer(chemma). Cela ne se passe pas qu'à l'ASO mais dans toutes les équipes algériennes. Ajoutez à cela, la préparation foncière d'intersaison qui est effectuée sur une période de quatre semaines seulement alors que les normes recommandées est de l'ordre de huit semaines soit deux mois. Cependant, nous nous contentons d'un mois seulement qui coïncide avec le mois de Ramadan. Forcément, nous nous ne pourrons pas avoir des joueurs excellents sur le plan physique. Cela nous amène à dire encore une fois que les dirigeants du football investissent sur les joueurs et non sur les moyens ? Tout à fait. La réalité est là, mais les solutions ne viennent pas. Les dirigeants investissent sur les joueurs, or, ils ne font absolument rien pour développer la formation de base. Encore faut-il le redire, les joueurs issus du championnat national sont responsables de cette insuffisance sur le plan physique. Ajoutez à cela, les moyens de récupérations en Algérie sont inexistants. Le joueur local ne récupère pas bien et certains d'entre-eux parcourent quotidiennement des centaines de kilomètres pour venir s'entraîner. Tout cela fait que les locaux sont mal préparés et ne sont pas en mesure de jouer à un haut niveau. S. L.