Avec l'interdiction de toute importation de la friperie, l'activité a nettement baissée et les travées du marché d'El-Hamri sont un peu plus éparses. Et pour cause, les circuits d'importation des ballots de friperie empruntent dorénavant d'autres voies. Rien ne va plus au grand marché de la friperie d'Oran, installé depuis 12 ans à proximité du quartier d'El-Hamri, l'ambiance y est maussade et ce n'est certainement pas à cause de la météo. Depuis la décision d'interdiction d'importation de la friperie, une nouvelle menace plane sur les chiffonniers d'Oran, celle de leur délocalisation du site actuel, prévue dans quelques mois officieusement. “Personne n'est venu nous voir, discuter avec nous ! On apprend par des rumeurs qu'on va être transférés vers un autre site… On ne comprend pas pourquoi les responsables ne se donnent pas la peine de dialoguer avec nous et nos représentants, le dialogue peut à lui seul éviter tous les faux problèmes”, réagit immédiatement l'un des plus anciens chiffonniers rencontré sur place. Ce qui fera dire aussitôt à un agent présent sur les lieux en permanence : “Il faut dire qu'heureusement ici il y a des gens sages qui ont calmé les esprits !” Rien que sur ce site d'El-Hamri, c'est un minimum de 500 personnes qui s'affairent et vivent de leur activité de chiffonnier et on parle aussi de près de 5 000 familles à Oran tirant leurs revenus de cette activité. Avec l'interdiction de tout importation de la friperie, l'activité a nettement baissé et les travées du marché d'El-Hamri sont un peu plus éparses. Et pour cause, les circuits d'importation des ballots de friperie empruntent dorénavant d'autres voies comme nous l'expliquent eux-mêmes les chiffonniers : “Il y a moins de marchandises qui entrent maintenant, on les ramène surtout à partir des frontières terrestres, de la Tunisie surtout, où par cabas via les passagers des bateaux ou des avions, ça nous coûte plus cher parce que c'est plus difficile pour s'approvisionner et donc c'est plus cher aussi pour les clients !” “Le chiffon c'est pas quelque chose d'humiliant, faut pas croire, vous avez des universitaires diplômés qui font dans le chiffon parce qu'il n'y a pas autre chose pour nous, en plus nous n'avons aucune possibilité d'avoir un registre du commerce, on nous a installés ici juste avec un bon de la mairie il y a plus de 10 ans. Pas de garantie, pas de Sécurité sociale ! On demande juste à pouvoir faire vivre nos familles”, rajoute ce dernier comme une supplique. Récemment le directeur régional des Douanes à Oran affirmait que via les ports la friperie ne passait plus, donnant pour l'année 2011 le chiffre de 1152 sacs de friperie introduits illégalement via les “cabas” et saisis par ses services : “Ce n'est plus possible de faire passer la friperie car auparavant les importateurs de friperie devaient obtenir une autorisation spécifique que nous sommes les seuls à délivrer et maintenant on ne la donne plus”. Les chiffonniers d'Oran n'ont jamais été convaincus par l'argument avancé par les pouvoirs publics c'est-à-dire protéger la production nationale du textile et ne le cache pas. “Vous y croyez, vous ? Soi- disant pour relancer l'industrie nationale du textile!”, ironise presque l'un de nos interlocuteurs. Ainsi le monde des chiffonniers est assurément dans une situation complexe mais pas désespérée, car au final les ballots de friperie trouvent toujours de nouveaux chemins. D. L