Dans l'émission “Cent minutes pour convaincre”, le ministre français de l'Intérieur aura parmi ses contradicteurs un certain Tariq Ramadan. Ce tribun islamiste court les forums et les cités pour faire passer un message qu'il a su conditionner dans un emballage censé lui éviter d'être confondu avec son grand-père Hassen El-Banna, fondateur des Frères musulmans, ou avec son frère, un activiste islamiste notoire. Homologue hexagonal de notre “islamisme en alpaga”, la formation intellectuelle en prime, il court les forums et les cités pour semer les graines discursives de la future génération islamiste activiste de France. Tariq Ramadan revient du Forum social européen, section européenne du mouvement altermondialiste, qui vient de se tenir dans la région parisienne. Le succès de la contestation antimondialiste semble attirer tous les opportunismes idéologiques, et le mouvement, pour éviter le débat, s'ouvre à toutes les aventures et à toutes les agitations. Normal : il faut bien finir par se définir ou continuer à accepter tout le monde. Les fascismes usent plus souvent de la porte de la démocratie que de l'infraction. C'est la banalisation des idéologies sectaires qui est à l'origine des grandes dérives qui mènent à l'ordre de l'arbitraire et de la terreur. Si l'internationalisme alternatif se perd dans la confusion, en voulant faire feu de toutes les contestations, il n'a pas le monopole du populisme. La droite au pouvoir aussi, en voulant partout “réussir là où la gauche a échoué”, s'égare dans les espaces réputés “de gauche”, en voulant trop en faire. Après avoir exacerbé la crise d'un islam de France surpolitisé par les pays d'origine des migrants musulmans, par les puissances financières islamiques et surtout par l'usage qu'en fait l'Elysée dans ses stratégies envers le monde arabe, voici venu le temps de l'islamo-communautarisme que favorise le ministre de l'Intérieur en charge du culte. Tariq Ramadan prépare la génération des cités de demain ; Sarkozy agrée Tariq Ramadan comme l'expression de la “zone” de demain. Sarkozy, qui s'apprête à débattre avec cet idéologue, après avoir favorisé un type “d'autorité” musulmane, continue donc à mettre en œuvre sa conception de la structuration de l'islam et surtout sa conviction manifeste que les Français originaires de pays musulmans, en l'occurrence du Maghreb, doivent naturellement se reconnaître dans l'expression des leaders islamistes. De l'origine à la religion et de la religion à sa manifestation sonore, Sarkozy fait le raccourci par-dessus les multiples expressions laïques de générations d'émigrés ou de Français de parents émigrés. Outre que l'islam de France, comme l'islam d'ailleurs, n'est pas condamné à être un islam tonitruant ou un islam singularisant et folkloriste, il est encore moins le porte-parole d'une communauté, même si Sarkozy se défendait de l'usage d'une telle catégorie incompatible avec son idée de la République. En plus du fait que la démarche impose aux Français originaires de pays musulmans de mandater de dangereuses visions, il est certain qu'il ne sert pas trop de faire des coups de filet contre les repaires terroristes de la région parisienne et d'homologuer, au même instant, le propos idéologique qui en est à l'origine. Car, en France comme ailleurs, au commencement, il y a le verbe. M. H.