France 2 nous a infligé jeudi 20 novembre 2003 , son «100 minutes pour convaincre». Nous avons assisté à une mise en scène de quelqu'un de pressé en politique qui ne répond pas aux questions qu'on lui pose. Ayant sa propre stratégie, «je fais tout pour gravir cette montagne de problèmes, je ne peux pas réussir à tout les coups mais les Français doivent savoir que je fais de mon mieux». Ces phrases martelées avec chacun des contradicteurs ne sont pas, on l'aura compris, innocentes. Elles lui permettent de baliser un parcours pour une échéance présidentielle. Tous les coups sont permis et c'est de bonne guerre, bien que certains procédés sont à la limite de la correction. Ainsi, quand Nicolas Sarkozy devait, en principe, répondre aux questions de Tariq Ramadan. C'est l'inverse qui eut lieu. C'est le ministre de l'Intérieur qui interroge. Dès le départ le ministre de l'Intérieur aidé par une introduction partisane de Claude Mazerolles a commencé à apostropher Tariq Ramadan sur son article paru sur un site Internet - les journaux comme le Nouvel Observateur et d'autres n'ayant pas voulu le faire paraître - concernant l'alignement des intellectuels communautaires sur la politique d'Israël. Tariq Ramadan, à l'évidence, non préparé à cela, fut désarçonné par la diatribe du ministre de l'Intérieur et l'acharnement à reprendre à son compte la dizaine d'articles en réponse de la part des «intellectuels» incriminés dans les journaux qui leur ont ouvert généreusement leur colonnes (L'Express, Le Nouvel observateur). C'était un véritable procès qui, j'en suis sûr n'intéresse pas l'immense majorité des Français. Pris en défaut, Tariq Ramadan fut tout le temps en retard d'une réponse. Ce fut un monologue. La technique médiatique du ministre, assurément bien rôdée, est au service de plusieurs idées simplistes. Il faut dire aux Français ce qu'ils veulent écouter. Rassurer en faisant dans la démagogie (affaire de la double peine). Quand le président Chirac, deux jours plus tôt prononça la fameuse phrase: «Celui qui touche à un cheveu d'un Juif, c'est comme s'il touchait à la France», le ministre voulait, à son tour, à tout prix délivrer un message «d'allégeance» vis-à-vis de la communauté juive de France. On comprend alors pourquoi il a accepté de débattre avec Tariq Ramadan. Sa condamnation de l'antisémitisme, au passage les musulmans sont aussi des sémites, est suspecte parce que ce n'était pas cela le débat. Pas plus qu'il ne concernait le frère de Tariq Ramadan, directeur du centre islamique de Genève, désigné à la vindicte pour avoir justifié, semble-t-il, la lapidation des . Encore une fois, Tariq Ramadan fut «débusqué» selon le mot de Sarkozy même, et il fut bien en peine pour pouvoir répondre à des questions qui concernaient son frère. Tentant de se justifier il paraissait toujours sur la défensive. La seule fois où il posa une question importante: «Est-ce que le président Chirac dirait que ‘'qui touche à un cheveu d'un Arabe ou d'un musulman, c'est comme s'il touchait à la France'' ?», il lui fut répondu, on l'aura compris d'une façon évasive en s'en tenant à des généralités. En définitive, le débat sur la laïcité n'eut pas lieu, ce fut une leçon bien apprise et bien récitée par le ministre qui a acculé Tariq Ramadan dans les cordes, en l'interrogeant sur l'antisémitisme et son frère au lieu d'écouter les questions sur la laïcité et la place de l'Islam en France, qui est, naturellement à des années-lumière d'un conseil consultatif préfabriqué dont la composition est définie par le ministère.