La Conférence internationale sur la Syrie appelée aussi “Groupe des amis du peuple syrien”, qui se tiendra demain à Tunis, se propose d'examiner les voies pour précipiter la chute de Bachar Al-Assad. D'abord, une victoire pour la Tunisie post-Ben Ali. Le premier pays à avoir inauguré “le printemps arabe” ainsi que l'arrivée au pouvoir des islamistes par la voie des urnes. C'est, pour ainsi dire, “boucler la boucle” que de porter l'estocade au régime syrien dans le pays de la révolution du Jasmin. Le président tunisien aura tout fait pour que son pays abrite la réunion de procès de Bachar Al-Assad qui se veut ultime. Marzouki et le gouvernement dirigé par Ennahda, un parti islamiste qui rêve de promouvoir en Tunisie la démocratie islamiste version turque (AKP), avaient expulsé l'ambassadeur syrien au début du mois et rompu les relations de la Tunisie avec Damas. Une première dans le monde arabe. Vont ainsi se réunir à Tunis demain tous les pays qui veulent la chute du régime d'Al-Assad. En première ligne : les ex-puissances coloniales occidentales, Qatar et l'Arabie Saoudite et certains pays membres de l'Organisation de la conférence islamique (OCI). Quand au Maghreb, seul le Maroc avait annoncé sa présence. Mohammed VI a pu amortir le printemps marocain en procédant à des réformes institutionnelles qui ont abouti à un gouvernement islamiste, comme en Tunisie avec la majorité parlementaire de même obédience mais dans des proportions moindres qu'en égypte, par exemple, où 80% des sièges sont partagés entre Frères musulmans, des salafistes et leurs avatars. Mais le Maroc n'avait pas d'autre choix car son roi est redevable des monarchies du Golfe qui lui avaient proposé de les rejoindre au sein de leur Conseil de coopération. Le ministre tunisien des AE, Rafik Abdessalam, responsable d'Ennahda, qui venait d'achever une tournée dans les capitales européennes, a annoncé la participation de tous les membres de la Ligue arabe, de l'Union européenne et les ministres des Affaires étrangères des états-Unis, de Chine, d'Inde et du Brésil, soit une soixantaine de pays. La Russie et la Chine ont été invitées à Tunis pour cette conférence des “amis de la Syrie” mais il est peu probable qu'elles y participent. En ce qui concerne la Russie, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, lors de la 3e conférence du Club international de discussion Valdaï, a déclaré que la création d'un groupe des “amis de la Syrie”, qui a pour but au final d'intervenir militairement dans un pays souverain, est contraire à la charte de l'ONU. “Malheureusement, nous sommes déjà passés par là à travers la Libye, et notre expérience ne peut pas être qualifiée de positive. à mon avis, la formation de ce genre de groupes d'amateurs qui se fixent pour but d'intervenir, y compris militairement, sur le territoire d'un état souverain est contraire aux normes du droit international et à la charte de l'ONU”, a déclaré Bogdanov. Le vice-ministre russe a repris les argumentaires du Kremlin devant le Conseil de sécurité où la Russie a exercé par deux fois son veto pour empêcher la condamnation de Bachar Al-Assad, et tout récemment devant l'assemblée générale de l'ONU qui a endossé le plan arabe de sortie de crise, qui exige l'arrêt de la répression et une période de transition assortie du départ du président syrien : Moscou ne veut pas revoir se reproduire en Syrie le scénario libyen. Il y a deux semaines, l'Assemblée générale des Nations unies avait voté une résolution à une majorité écrasante (137 pour, 12 contre et 17 abstentions) condamnant la Syrie et demandant au régime d'Al-Assad de mettre fin à ses attaques contre la population civile. L'objectif de cette conférence, réunissant des états qui se disent désireux de conclure une entente internationale visant à mettre un terme aux violences en Syrie, vise en fait à contourner le double veto russe et chinois au Conseil de sécurité contre une résolution proposant, à travers le soutien total à la décision de la Ligue arabe manipulée par les dictatures monarchiques du Golfe, pour pouvoir chasser Bachar Al-Assad et son régime dont les exactions, il est vrai, sont insoutenables. On ne tire pas sur un peuple avec des armes de guerre, on ne fait pas la guerre à son peuple. D'ailleurs, les répressions de Damas sont qualifiées de crimes de guerre par le SG de l'ONU. L'objectif immédiat de cette conférence est d'imposer un corridor humanitaire, autrement dit porter assistance aux populations, pour les uns, faciliter l'infiltration de forces spéciales étrangères, pour ceux qui ne sont pas horrifiés par le massacre des Syriens, sous prétexte de la nécessité d'une escorte militaire pour l'acheminement des aides humanitaires. à terme aussi, comme pour la Libye, il faudra décider publiquement d'approvisionner en armes les manifestants et l'armée libre en constitution, puis de reconnaître comme le seul représentant légitime du peuple syrien le Conseil national syrien. Pour autant, Bachar Al-Assad, enfermé dans sa bulle, continue de faire preuve de fermeté et d'irresponsabilité en rejetant toute médiation qu'il considère comme une ingérence et œuvre à la mise en application de ses réformes, notamment son référendum du 26 février sur la nouvelle Constitution ! à Damas, ses partisans disent que la Tunisie des islamistes est bien mal placée pour leur donner des leçons de démocratie. D. B