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Présidentielle française
Surenchère dans la diabolisation de l'immigration musulmane
Publié dans Liberté le 08 - 03 - 2012

Le Premier ministre français en remet une couche. Les immigrés du sud de la Méditerranée, notamment les musulmans, ont toujours servi de punching-ball lors d'élections en France.
Aux dérapages de l'extrême droite, s'est ajoutée la stratégie cynique du président sortant qui essaye de livrer cette partie de la société française en pâture à un corps électoral dont lui et l'extrême droite ont réveillé les fantasmes et pulsions racistes.
Les socialistes n'en sont pas exempts avec leur vision floue sur la question. L'immigration est, en effet, au cœur de la campagne électorale de la présidentielle française. Ce n'est pas un mystère, c'est Nicolas Sarkozy, qui crapahute pour un second mandat, qui a imposé le débat sur la question de ces Français hors souche, reprenant à son propre compte les thèmes du lepénisme. Le président sortant a mis, voilà bien longtemps, sur la ligne de front raciste, xénophobe et islamophobe, son proche collaborateur et apparemment le plus à droite, son ministre de l'Intérieur et du Culte, Claude Guéant, dont les saillies anti-immigrés font pâlir de jalousie les hérauts du Front national. Marine le Pen est une enfant de cœur devant le venin du ministre. Bon, ce n'est pas d'aujourd'hui. La guerre contre l'immigration est chez Nicolas Sarkozy plus qu'un fonds de commerce. C'est sa croisade depuis qu'il a été ministre de l'Intérieur dans le gouvernement Chirac et dont il s'était repu tout au long de son premier mandat. Et fidèle à sa démarche au point de se demander si ce recours récurrent à l'islamophobie ne cachait pas une posture assumée plus qu'une stratégie électorale, Sarkozy II a enfoncé le clou en faisant de l'islam la cause première des maux de la France ! Le président sortant ne s'attaque-t-il pas plus à la seconde religion de la France qu'aux causes, vraies celles-là, de la descente aux enfers de la 5e puissance mondiale et de son modèle social ? Une descente que lui imputent, par ailleurs, tous les Français, y compris ces souchiens à peau blanche, auxquels il rabâche qu'il va les défendre contre le péril vert ! Comme les Le Pen, Sarkozy associe chômage et immigration, jurant aux Français pur jus de renvoyer les immigrés et de durcir encore l'entrée en France. Le président de tous les Français ne recule devant rien, il oppose dorénavant les immigrés, forcément des “assistés vivant des aides sociales”, aux “lève-tôt”, les smicards aux têtes blondes ! La “peste brune” européenne n'en dit pas moins. Son parti, l'UMP, ne s'est pas économisé pour faire du musulman l'origine de tous les maux de la France : burqa, laïcité, mosquées, prière de rue, identité nationale, la machine de guerre de Jean-François Copé a fait du musulman le juif des années 30. La récente propagande de Guéant, reprise par Fillon, “Nos concitoyens refusent de se laisser imposer des règles de vie qui ne sont pas les nôtres”, n'a pas dilué le débat sur l'emploi, le pouvoir d'achat et la dignité, qui restent les premières préoccupations des Français, loin derrière l'immigration et la sécurité. La “supériorité” de la civilisation occidentale sur la civilisation musulmane n'ayant pas réveillé de “choc des civilisations” dans les chaumières françaises, Guéant, ce fidèle soldat du sarkozysme version “peste brune”, récupère au vol le grossier mensonge sur la viande halal. Bien que la mauvaise foi de Marine le Pen ait été établie par les syndicats des viandes qui ont réfuté, statistiques en main, cette supposition que “la France ferait face à un tsunami islamique”, la viande halal c'est à peine 2% de la consommation en France ! La surenchère sur l'abattage rituel des musulmans n'en finit pas pour autant. Et voilà François Fillon qui vient au secours du représentant patenté de l'islamophobie officiel de son gouvernement. Juste avant lui, Sarkozy devait surprendre en défendant l'étiquetage de la viande en fonction de la méthode d'abattage. Son premier ministre a cependant commis un impair en assimilant la viande halal à l'abattage rituel d'une façon générale. Mal lui en pris : illico presto, il se fait rappeler à l'ordre par le Crif, et la classe politique française, notamment les socialistes, l'a tout de suite condamné ! La colère de la classe politique, à l'exception du Front de gauche de Mélenchon, n'a pas été la même lorsqu'étaient stigmatisés les musulmans. Le Conseil représentatif des institutions juives de France est à l'Etat français ce qu'est le lobby juif américain (Apaic) au pouvoir américain : Maison Blanche, Congrès, Pentagone, médias et show-biz. Richard Prasquier, le président du Crif, a taclé le Premier ministre français, le mettant en garde contre toute immixion, même à titre personnel, dans des traditions religieuses ! Un avertissement que ne s'est jamais permis le président de la Mosquée de Paris, pourtant représentant de la deuxième religion de France. Les Français de confession, sinon de culture musulmane, se demandent aujourd'hui s'ils sont encore Français et si cela vaut le coup de s'enorgueillir cette nationalité ? C'est un gisement électoral qui n'a pas trouvé chaussure à son pied mais sait que dans son pays d'adoption, il n'y a plus de droite républicaine.
Au sein de l'UMP, des militants d'origine ou proches de la culture stigmatisée par les Guéant et consorts, sont sortis de leur suivisme pour demander à ce que la campagne de leur candidat se recentre sur les sujets qui importent aux Français : le logement, l'éducation, l'emploi. Cette fois, contrairement à 2007, Sarkozy risque de se trouver dans la situation de l'arroseur arrosé : les Français de “la France franchouillarde” ne lui accordent plus de crédit : ils vont choisir l'original à la copie, ont-ils assuré à Marine le Pen. Même Henri Guaino, le porte-plume et conseiller spécial de Sarkozy, qui chante sur les plateaux de télé et de radios que l'immigration était “un problème qu'il faut résoudre” sinon “en France, qui accueille toute la misère du monde, comme disait jadis Michel Rocard, tous nos systèmes sociaux vont s'écrouler”, ne convainc pas grand monde. Les socialistes, justement les mieux placés pour tailler dans la croupière de Sarkozy, se tiennent cois pour ne pas se voir pénaliser par l'électorat populaire, nourri, sont-ils persuadés, aux thèses racistes et islamophobes ! En réalité, les Français musulmans n'ont plus rien à attendre du PS dont Rocard, l'ex-Premier ministre de Mitterrand, avait inauguré le glissement dans la voie de la stigmatisation de l'immigration. Le PS d'aujourd'hui, sans aller jusqu'à partager les postures affligeantes de Sarkozy et des lepénistes, ne s'oppose plus frontalement aux arguties anti-immigrés, son candidat, François Hollande, est très mesuré sur la question. Et en fouinant sur leur pouvoir, on trouve qu'une grande partie des centres de rétention destinés à expulser les immigrés ont été créés justement sous Lionel Jospin ! Un retour de la gauche possible en 2012 ne signifiera pas forcement la fin des expulsions arbitraires ni l'amélioration des conditions des Français musulmans. Dans ses “60 engagements pour la France”, Hollande ne s'est pas embarrassé par les questions de l'immigration. Preuve, s'il en est besoin, que le PS n'est guère à l'aise sur le sujet, le think tank "Terra Nova", qui publie quantité de rapports pour alimenter le débat à gauche, rechigne à sortir celui sur l'immigration professionnelle, écrit par l'économiste El-Mouhoub Mouhoud. Ce texte, qui prône une large ouverture à l'immigration professionnelle, ferait-il peur au PS, craignant d'effrayer un électorat fragilisé par le chômage ? Bon, Hollande s'amende par deux propositions : abroger la circulaire Guéant du 31 mai qui renvoie les étudiants maghrébins comme de vulgaires malfaiteurs et donner le droit de vote aux étrangers non communautaires pour les élections locales.
D. B


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