Un superbe buste de Malek Bouguermouh illumine le grand deuxième hall du Théâtre régional de Béjaïa, qui porte d'ailleurs le nom de cet illustre homme de théâtre. Conçu et sculpté par Olivier Graïne, un allemand d'origine algérienne (Kabylie), le buste en bronze du défunt dramaturge Malek Bouguermouh a été dévoilé et présenté au public pour la toute première fois avant-hier en fin d'après-midi, lors d'une cérémonie inaugurale qui s'est déroulée en présence de la sœur du défunt dramaturge, de quelques-uns de ses proches parents et autres amis et de Khellaf Righi, directeur de la culture de Béjaïa. Réalisée en Allemagne, l'œuvre d'art consiste en un buste (base épaules, plus tête) de quarante centimètres de longueur, soudé à un piédestal de 1,20 mètre, un parallélépipède tout en marbre blanc. Elle aura coûté la bagatelle de 500 000 DA. L'œuvre, un travail qui allie sobriété et raffinement, est dressée à quelque trois mètres de l'entrée du grand hall attenant à la salle de théâtre, reposant sur la dalle de sol comme pour souhaiter la bienvenue aux spectateurs dès qu'ils ont fini de gravir l'un ou l'autre des deux escaliers y menant. Un événement à forte connotation culturelle, dès lors qu'il constitue une convergence de l'art dans deux de ses dimensions : théâtre et sculpture et de l'histoire de l'art. Le choix du jour n'étant pas, évidemment, fortuit, puisque Omar Fetmouche (metteur en scène, directeur du TR Béjaïa et ami du dramaturge honoré) a fait coïncider ce dernier avec la Journée mondiale du théâtre (27 mars). Bien avant l'entame de la cérémonie de dévoilement du buste, une zorna à l'entrée principale de l'édifice n'a eu de cesse de "souffler" (sans s'essouffler un seul instant !) une ambiance lyrique tissée d'airs tirés du répertoire-terroir de la chanson kabyle traditionnelle. C'était, en somme, l'atmosphère festive des grands jours. Les 27, 28 et 29 du mois en cours, et pour célébrer la Journée internationale du quatrième art, le TR Béjaïa a programmé la présentation de quatre spectacles (entrée gratuite au public). Il s'agit de Axxam n'Tic (Akham n'Tiche), El-Qhandeq (la tranchée), ainsi que le monologue Maestro. À cette occasion de réjouissances et de commémoration en hommage à la mémoire de son ami disparu Malek Bouguermouh, M. Fetmouche, visiblement ému et surtout débordant de satisfaction “du devoir accompli”, a confié à Liberté : “Nous finissons enfin de finaliser un long processus de consécration dédiée à la mémoire de Malek Bouguermouh ; la boucle est ainsi bouclée. C'est le couronnement d'une démarche de reconnaissance d'un éminent dramaturge et j'en suis franchement très heureux.” Pour rappel, Malek Bouguermouh, né le 8 février 1946 à Ighzer Amokrane, a commencé à suivre des études d'art dramatique à Moscou, dès 1968, à l'institut Gitis. “En 1974, il rentre en Algérie, et ce fut au Centre culturel de la wilaya d'Alger qu'il se vit chargé de créer et de diriger un atelier d'art dramatique. Il monta son premier spectacle, intitulé “Il était une fois” (une satire de notre société), en 1975, présentée sous forme de fable. Malek Bouguermouh y substituera la voix d'animaux à celle d'êtres humains (censure oblige à cette époque-là). Un spectacle inspiré d'un conte des frères Grimm et qui représenta l'Algérie au 15e Festival du théâtre pour enfants à Sibinik, en Yougoslavie, et obtint le premier prix, consacré à l'unanimité par le jury Meilleure œuvre de la manifestation culturelle”, relate Abderrahmane Hacène El Hadj, docteur en sciences de l'art dans sa Biographie de Malek Bouguermouh. Puis vinrent El-Mahgour, premier spectacle professionnel monté pour la Télévision nationale (adapté d'une pièce de S. Benaïssa), Tariq essaaâda (RTA, 1986, une adaptation d'une œuvre du dramaturge Rosov), H'zam El-ghoula (TR Béjaïa, 1988) et R'Jèl Ya h'lalef (TR Béjaïa, 1989). “D'un humanisme ardent, Malek Bouguermouh avait un respect religieux pour la scène, au point où, pour lui, le spectacle doit commencer dans le hall déjà, à la réception du public”, ajoute son biographe. Son souvenir et son aura de dramaturge humble et très proche du public, l'ombre vertueuse de son personnage fort estimé aussi bien à Béjaïa qu'à Alger illuminent, désormais, le magnifique deuxième grand hall du non moins superbe théâtre régional de la vallée de la Soummam. M B