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La situation au Mali se complique
La junte militaire malienne, Ouattara et le syndrome ivoirien
Publié dans Liberté le 31 - 03 - 2012

Le Mali a tout l'air d'être atteint par le syndrome ivoirien, la Cédéao a posé le piège devant étouffer la junte.
L'ironie du sort, c'est Ouattara, le président de la Côte-d'Ivoire, qui est chargé d'appliquer à ce pays la thérapie qui lui a permis de se débarrasser de Gbagbo refusant le verdict des urnes. En effet, c'est à la Cédéao qu'a échu le rôle de la mise en quarantaine de la junte militaire malienne. Et à la tête de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest, Alassane Ouattara. Après l'annulation d'une rencontre entre la junte et une délégation de cette institution régionale plus active que l'Union africaine, le Mali pourrait être placé sous embargo diplomatique et financier. Après lundi, l'Afrique de l'Ouest met à exécution ses menaces d'isolement faute d'un retour à l'ordre constitutionnel après la destitution du président Amadou Toumani Touré (ATT).
Les sanctions incluent une interdiction de voyager et un gel des avoirs dans la région pour les membres de la junte. La délégation de chefs d'Etat de la Cédéao, conduite par son président en exercice, l'Ivoirien Alassane Ouattara, devait rebrousser son chemin jeudi, son avion n'a pu atterrir sur le tarmac de l'aéroport de Bamako occupé par des pro-junte. La menace d'embargo a été décidée à la suite de discussions à huis clos au retour de la délégation, à l'aéroport de la capitale économique ivoirienne. Autour de Ouattara se sont retrouvés les présidents Blaise Compaoré (Burkina Faso), médiateur dans la crise, Thomas Boni Yayi (Bénin), Ellen Johnson Sirleaf (Liberia) et Mahamadou Issoufou (Niger). La fermeture des robinets de la Cédéao aura des répercussions plus rapidement qu'en Côte-d'Ivoire de Gbagbo. Le Mali est très pauvre et enclavé, avec la fermeture des frontières, la fermeture de l'accès aux ports des pays côtiers de la zone et un gel des comptes du Mali à la Banque centrale ouest-africaine (BCEAO), la junte devrait être asphyxiée en moins d'un mois, conjecturent les spécialistes.
Autre signe de la montée de la tension, au moment où étaient attendus les chefs d'Etat au Mali, des incidents ont éclaté entre partisans et adversaires de la junte au QG du front anti-putschistes à Bamako. La situation dans la capitale est toujours confuse alors que dans le nord du pays, elle est explosive et on ne sait pas où en est cette vaste région frontalière de l'Algérie avec la rébellion touareg. Des informations font état de mouvements de rebelles touareg, notamment sur Kidal, principale ville du Nord qu'ils veulent ajouter à leur tableau de chasse.
Le quotidien malien L'Indépendant relativise l'information en soulignant qu'il n'y a pas, à proprement parler, de combats signalés dans la ville. Quoi qu'il en soit, ajoute le journal, il est indispensable que les nouvelles autorités accordent une importance capitale à la situation au Nord, objectif majeur de leur coup de force selon eux-mêmes. “Le Mali sans Gao, sans Kidal et sans Tombouctou n'est plus le Mali”, met en relief un autre quotidien de Bamako Le Républicain. Dans la capitale, il se dit que maintenant que le coup d'Etat est consommé, il faut en prendre acte et appeler à l'union sacrée autour de cette situation pour éviter des affrontements, dont le pays n'a nullement besoin. Selon Djibrill Bassolé, le ministre burkinabè des Affaires étrangères, la Cédéao travaille aujourd'hui sur un compromis consistant en une transition dirigée par Dioncounda Traoré, président de l'Assemblée nationale dissoute par la junte. Mais le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'Etat auteur du coup d'Etat n'a donné aucun signe d'ouverture.
À l'inverse, les putschistes ont accéléré la consolidation de leur pouvoir, adoptant une nouvelle Constitution qui consacre la prééminence des militaires jusqu'aux élections présidentielle et législatives qui clôtureront la transition et dont la date n'est pas déterminée. Aucun membre de la junte n'est autorisé à se présenter à ces scrutins. Le président ATT semble pour l'heure hors jeu. Mercredi, sortant de son silence, il a déclaré qu'il se trouvait à Bamako et qu'il n'était pas prisonnier, mais sans préciser sa localisation exacte. Reste que la crise politique se double d'une crise militaire, alors qu'une nouvelle rébellion touareg est passée à l'action à Kidal, des groupes islamistes armés progressent dans le nord du pays. La junte avait, rappelle-t-on, invoqué l'échec du régime d'ATT contre la rébellion pour justifier son putsch.
D. B


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