Fidèle en cela à ses convictions patriotiques et à la chanson emblématique de la “Môme Piaf”, Zohra Drif a incontestablement créé l'événement en France. De la Bataille d'Alger à la Bataille de Marseille, son engagement séculaire est resté plus que jamais égal à lui-même, transcendant et nourri par un idéal révolutionnaire qui ne souffre d'aucune ride. Et ce ne sont pas les extrapolations de quelques commis de l'idéologie coloniale française qui auront raison de ses irréfragables certitudes. À plus forte raison lorsque le socle de la mauvaise foi attribue son adhésion au mouvement national à la découverte de grands philosophes de l'Hexagone qui auraient permis à l'étudiante de jadis de découvrir les conditions criardes de son propre peuple. Non ! Rien de rien ... Non ! Je ne regrette rien Ni le bien qu'on m'a fait Ni le mal tout ça m'est bien égal ! Non ! Je ne regrette rien, assènera-t-elle en présence d'une assistance quelque peu biaisée par la présence de Danielle Michel-Chich, une des victimes de la bombe du Milk Bar : “Nous avons pris les armes pour combattre la caste coloniale, un système qui ne vous laisse d'autre choix que de mourir pour vivre dans votre pays.” De marbre et digne représentante d'un peuple qui a brisé à jamais le joug de la double exploitation colonialiste et capitaliste, elle expliquera avec un sens inné de la pédagogie qu'elle a abandonné confort et jeunesse pour se mettre au diapason des aspirations à la Révolution et à l'Indépendance nationale d'un peuple spolié et humilié, victime s'il en est d'actes génocidaires et de crimes contre l'humanité. Zohra Drif ne regrette ni le bien ni le mal qui lui ont été faits, car la cause pour laquelle elle s'était battue était une cause assurément juste. N'en déplaise à Bernard-Henri Lévy, la concrétisation des aspirations au recouvrement de la souveraineté nationale de tout un peuple n'est pas le fruit “d'actes injustes” ! Portée par des idéaux dont le socle est constitué par la ligne générale tracée par le FLN et sa déclaration du 1er Novembre 1954, la guerre révolutionnaire populaire était jadis une réponse concrète à une situation concrète caractérisée, fera-t-elle remarquer, par la négation de la société globale algérienne, des exactions et des horreurs dont cette même société était sempiternellement victime à l'instigation de la caste et de la soldatesque coloniales. En d'autres termes, l'héroïne de la Bataille d'Alger n'avait pas rejoint un “Réseau de poseurs de bombes en cheville avec le FLN” mais une organisation révolutionnaire qui a su, dans sa déclaration fondatrice, faire un judicieux distinguo entre les Français d'Algérie, appelés du reste à s'insérer dans le processus émancipateur, et les auteurs par trop zélés de la négation de tout un peuple appelé à se contenter d'un simple statut de sujet. “Ce n'est pas à moi qu'il faut vous adresser, c'est à l'Etat français qui est venu asservir mon pays”, assènera-t-elle à la sortie de la salle de conférence… Non ! Rien de rien ... Non ! Je ne regrette rien... C'est payé, balayé, oublié Je me fous du passé! Zohra Drif affirme à la face du monde qu'elle n'a pas de problème avec le peuple français et que son problème est avec le régime colonial et raciste qui a voulu supprimer un peuple et une patrie et refuse, cinquante ans après l'Indépendance de l'Algérie, de faire amende honorable : “Notre guerre, nous l'avions menée contre le régime colonial injuste…Cependant, cette guerre et finie”, a-t-elle déclaré. Il y a mieux à faire que de recourir aux réminiscences d'un autre monde et aux fantasmes démesurés de ce chantre du néocolonialisme et du sionisme, un cousin de surcroît, Bernard-Henri Levy pour ne pas le désigner. (À suivre) A. M. [email protected]