La moudjahida Zohra Drif-Bitat s'est exprimée, hier matin, sur la guerre de Libération nationale, plus particulièrement sur l'apparition d'un certain “révisionnisme” de l'autre côté de la Méditerranée. Invitée par la rédaction de la radio Chaîne III, Zohra Drif-Bitat, ancien membre de la zone autonome d'Alger, est d'abord revenue sur le colloque Marianne-El Khabar consacré à la “guerre d'Algérie, 50 ans après”, auquel elle a pris part et qui s'est tenu récemment à Marseille. Elle s'est beaucoup attardée sur la particularité de la colonisation française en Algérie, “une colonisation de peuplement” dont l'existence et le développement reposent sur la négation des autochtones, livrés aux génocides, à l'oppression, à la dépossession, à la déculturation et à la dépersonnalisation. Comme elle a eu à le dire, lors de la rencontre de Marseille, la colonisation française, censée apporter “la civilisation”, était érigée en système d'“apartheid”, un système foncièrement raciste qui exigeait “notre mort en tant que peuple et nation”. Plus loin, Zohra Drif a estimé que la situation des Algériens, 50 ans après l'Indépendance, n'avait rien de comparable avec celle vécue sous le joug colonial par des sujets pratiquement “en guenilles”. La militante de la guerre d'Indépendance, dans ce cadre, a observé le combat inégal entre l'agresseur et l'agressé. La vice-présidente du Conseil de la nation s'est même indignée que l'on veuille aujourd'hui mettre sur le même piédestal le colonisateur et le colonisé, dénonçant ces tentatives de révisionnisme visant à ternir la Révolution algérienne. “Il ne faut pas délégitimer la guerre de libération nationale”, a-t-elle révélé. Selon cette dernière, “de grands enjeux sont en lice” à l'heure actuelle et “derrière cet écran de fumée” qu'est la démocratie ou la liberté, se cache un colonialisme de type nouveau. Sur un autre plan, elle a évoqué la richesse de la composante du FLN, composé de gens venus d'horizons différents et portant des opinions différentes, pourtant tous unis autour d'un dénominateur commun : l'indépendance de l'Algérie. “Ce n'est pas infâmant de dire qu'il y avait des discussions au sein du FLN, cela prouve aussi qu'il y avait la démocratie”, a déclaré l'ancienne combattante du Front. Concernant Danielle Michel-Chich, auteur d'un livre adressé à Zohra D., laquelle avait perdu, en septembre 1956, à l'âge de 5 ans, sa grand-mère et l'une de ses jambes, après l'explosion d'une bombe au Milk Bar, l'invitée de la Chaîne III a confié qu'elle l'avait bel et bien “regardé dans les yeux”, lors du colloque sur “la guerre d'Algérie, 50 ans après”, non sans insister sur la nature violente et inhumaine du système colonial. Faut-il alors s'attarder sur ce que le philosophe français, Bernard Henry Lévy, suggérait, c'est-à-dire aux “méthodes injustes” utilisées par le peuple algérien et le Front alors qu'ils devaient choisir entre la mort/disparition et la défense contre la bête immonde ? Faut-il vraiment ces seuls angles d'attaque, lorsque les résistances, toujours présentes, travaillent à “disculper” la responsabilité de l'Etat français ? Les déclarations tenues par Zohra Drif- Bitat sur les ondes de la Radio nationale interviennent à la veille du cinquantenaire de l'Indépendance de l'Algérie. Elles surviennent également quelques semaines après la diffusion du documentaire Guerre d'Algérie, la déchirure sur France 2, ayant permis la connaissance de certaines archives. Si le colloque et le documentaire, agencés sur le sol français, tentent une plongée dans l'histoire, ils n'échappent pas aux tentatives de la réécrire de façon tendancieuse, en mettant sur un pied d'égalité l'assaillant occupant et le peuple qui riposte, qui combat pour sa dignité, son droit d'exister et de disposer de lui-même. Comme le conseille notre aînée, la moudjahida Annie Fiorio-Steiner, il urge de se pencher sérieusement et sereinement sur le contexte dominant de l'époque, pour mieux saisir les logiques des uns et des autres, comprendre le pourquoi de l'usage du napalm, du recours aux essais nucléaires, de la guillotine, des tortures, de la répression et des massacres collectifs, ainsi que les rancunes de certains pieds-noirs et harkis, sans oublier tous ces anonymes algériens qui “n'ont fait que leur devoir” pour que vive l'Algérie, libre et indépendante. H A