À travers le monde, les échéances électorales sont toujours l'occasion pour les partis politiques de rendre publique leur programme économique dans la perspective de participation ou de prise de pouvoir législatif et / ou exécutif. Cela leur permet de consolider et d'élargir leur assise électorale en clivant par rapport aux programmes de leurs concurrents. Le discours économique des formations politiques exprime et reflète généralement des intérêts économiques et sociaux différenciés dans des économies matures, déclinantes ou émergentes. C'est le cas dans les démocraties traditionnelles en Europe et en Amérique du Nord. C'est aussi le cas pour des démocraties plus jeunes notamment en Afrique. Prenons deux exemples, celui de l'Afrique du Sud et de l'Ile Maurice. En Afrique du Sud le parti historique au pouvoir " African National Congress " (ANC), met l'accent dans son programme de gouvernement sur la cohésion sociale, le maintien du rôle de l'Etat dans le développement des infrastructures. Le principal parti d'opposition, " Democratic Allience "(DA) dirigé par Helen Zille, qui tente de dépasser le clivage racial, propose à l'inverse un programme économique totalement libéral impliquant l'ouverture totale de l'économie et le retrait de l'Etat de la sphère économique et social. Deuxièmes exemple celui de l'Ile Maurice qui dispose d'une gouvernance économique et politique de référence en Afrique. Leurs partis assument de façon transparente, selon leur ancrage, leur choix économiques. Ainsi certains apportent un appui affiché au lobby des importateurs en inscrivant dans leur programme l'augmentation du taux de change de la monnaie locale. D'autres, à l'inverse, soutiennent publiquement les producteurs / exportateurs en affichant dans leur programme l'abaissement du taux de change. Qu'en est-il chez nous ? Il m'apparait qu'en Algérie, l'émergence insuffisante du secteur privé, la faible diversification de l'économie et le poids du financement public du développement, singulièrement pour maintenir la cohésion sociale, sont autant de facteurs qui compliquent objectivement l'expression économique des partis. Plus encore c'est la question de valeurs qui polarise et clive la classe politique dont on peut sans risque de se tromper regrouper les partis en trois grands courants : islamiste, nationaliste et démocrate. Les positionnements économiques de la majorité des partis, insuffisamment élaborés, prennent en général une place secondaire dans leur discours. Examinons néanmoins quelques éléments programmatiques, en matière économique, que ces partis avancent. Commençons par les partis composant le premier courant cité. Sur ce sujet Jacques Hubert-Rodier du journal français en ligne Les Echos.fr s'est même posé la question de savoir si les partis islamistes en Algérie ont une doctrine économique. Il a en effet remarqué que " paradoxalement, les programmes des formations politiques islamistes en Algérie ne sont pas très différents de ceux des autres partis ". Un des points essentiels qui émerge de leur programme est celui de l'encouragement de banques islamiques dont il faut remarquer au passage qu'elles sont peu développées en Turquie, pays lui-même géré par un parti islamiste. Pour ce journaliste français qui cite Samir Aita, président du Cercle des économistes arabes, cela " est valable pour la majorité des partis islamiques dans le monde arabe, notamment en Tunisie et en Egypte ". Pour avoir gouverné depuis de longues décades, c'est le second courant nationaliste (FLN et RND même si ce dernier revendique un ancrage démocrate) qui dispose d'une démarche économique relativement élaborée. Cependant leurs référents doctrinaux en matière économique ne sont pas encore stabilisés car leurs programmes économiques dépendent pour le moment d'une seule variable d'ajustement financière qui est celle du prix du baril de pétrole. Le troisième courant dit démocrate est composé de partis ayant des doctrines économiques différentes et dans certains cas opposées. Par exemple on peut considérer certains d'entre eux comme libéraux (RCD, PRA par exemple) alors que d'autres sont nettement à gauche : socio démocrates (FFS par exemple) et même socialistes (Parti des Travailleurs, MDS, PST par exemple). Les nouveaux partis qui ont émergé à la veille des élections législatives peuvent être classés dans les trois courants qui structurent la classe politique algérienne. L'invitation du Forum des chefs d'entreprises (FCE) lancée aux partis politiques pour des rencontres débat autour de leur programme économique respectif est une excellente initiative pour clarifier les engagements des uns et des autres. D'autres partenaires sociaux, comme l'UGTA et les grands syndicats indépendants, devraient procéder de même pour rétablir la nécessaire symétrie du dialogue social. Dans ce cadre, on pourrait utilement se poser la question de savoir quels seraient les éléments qui pourraient fédérer un segment majoritaire de la classe politique et les partenaires sociaux autour d'un consensus national à construire autour " d'un pacte national pour la croissance et l'emploi ". J'en ai repéré pour ma part, à la lecture des documents économiques des partis et des partenaires sociaux cinq : la lutte contre le chômage, la lutte contre la corruption et la liquidation progressive des rentes, le traitement de l'informel, la gestion optimale et transparente de la rente pétrolière et la mise en place d'une économie diversifiée hors hydrocarbures en commençant par l'amélioration du climat des affaires et le soutien aux entreprises. Une telle démarche pourrait être de nature non seulement à dynamiser la vie politique mais aussi à densifier les tissus syndicaux et associatifs dans la perspective d'une citoyenneté assumée à tous les niveaux. La demande de changement passe aussi par là. Mais en attendant les confrontations électorales en cours vont probablement nous éloigner de cet exercice. Le tout est de savoir pour combien de temps.. M. M.