L'Etat algérien offre-t-il toutes les garanties sur le plan des droits de l'Homme et des libertés, de la séparation des pouvoirs, de l'impartialité de l'administration, pour ne citer que ceux-là, pour la tenue de véritables élections ? En tout cas, de l'avis de Oualid Aggoun, professeur de droit à l'université d'Alger, juriste et constitutionnaliste, l'Etat a donné un ensemble “de garanties juridiques” pour le scrutin du 10 mai prochain, “les premières élections après la levée de l'état d'urgence”. L'Algérie, a-t-il dit, lors d'une conférence qu'il a animée, lundi, au siège du Centre de recherche stratégique et sécuritaire (CRSS), possède “une expérience assez riche sur la question du droit depuis 1989”, c'est-à-dire depuis l'introduction du multipartisme. “Depuis 1989, nous avons une multitude de textes, dans un souci de réponse et pour encadrer ce processus électoral”, a rappelé M. Aggoun, signalant au passage que “les juristes n'aiment pas que l'on modifie trop les textes car ils n'ont pas le temps de se familiariser avec eux que déjà ceux-ci sont remplacés par d'autres”. Revenant ensuite à l'environnement institutionnel et juridique qui encadre le processus électoral en Algérie, l'intervenant a suggéré de ne pas “se focaliser seulement” sur la loi électorale, et ce, d'autant que l'une des principales garanties est la Constitution. “Celle-ci a été modifiée à plusieurs reprises car l'objectif est la mise en œuvre du principe représentatif”, a-t-il renseigné. Le juriste a, en outre, évoqué les autres principes contenus dans la loi fondamentale tels que la séparation des pouvoirs, l'impartialité de l'administration, le recours, la liberté de la presse, le principe républicain et la garantie des droits et des libertés. Il a aussi rappelé la cascade de textes mis en place en janvier 2012 (lois sur les partis politiques, les associations, etc.). “C'est tout cela qui constitue le cadre juridique touchant les élections directement ou indirectement”, a soutenu le Pr Aggoun. “On se détourne des questions essentielles” Dans ses observations, l'invité du CRSS a souligné que le régime électoral avait connu “plusieurs modifications depuis 1989”, des changements touchant “le mode de scrutin” (année 1997), “les garanties et l'encadrement juridique” (année 2004) et “la” révision de la loi électorale de 2004 “qui est devenue une loi organique” (janvier 2012). D'après lui, “la nouveauté significative” dans l'actuelle loi électorale est l'introduction de la commission de supervision des élections. Une commission qui, précisera-t-il, “a pour objet le contrôle de la mise en œuvre de la loi électorale”. “C'est la première fois qu'on observe une réponse appropriée, du moins sur le plan théorique”, a indiqué le conférencier, ajoutant : “Cette nouveauté est intéressante pour le juriste que je suis. Mais, on verra en fonction des recours introduits, entre autres, par des partis politiques.” Plus loin, il a estimé que le débat “ne doit pas porter en principe sur les garanties car cela nous fait détourner des questions essentielles”. Lors du débat, le constitutionnaliste a porté son autre casquette de politologue. “Quand je disais qu'on se détournait des questions essentielles, je parlais de la Constitution, qui interdit les partis sur la base religieuse, car l'islam n'est pas une opinion mais une foi”, a déclaré M. Aggoun, puis d'expliciter : “On ne peut pas mettre dans la cohérence constitutionnelle la race, la religion et la langue, sinon on fausse le système constitutionnel, on le perturbe. L'expérience algérienne a montré que la logique constitutionnelle et celle du califat sont inconciliables, causant 200 000 morts.” À la fin, il a interpellé les politiques, leur demandant “pourquoi ils ont autorisé des partis à base religieuse, alors que la Constitution l'interdit”. Sur un autre plan, la rencontre du CRSS a permis à beaucoup de participants d'exprimer leurs craintes par rapport aux prochaines législatives. D'aucuns se sont interrogés sur “la crédibilité” de ces élections, alors que des partis politiques, sans programme et pour la plupart inconnus de l'électorat, ont vu le jour à 3 mois du rendez-vous électoral seulement. D'autres ont assuré qu'“on veut pousser les Algériens à ne pas aller voter”, en se demandant “où sont les programmes des partis en dehors du programme présidentiel”, dénonçant “le silence complice” des gouvernants devant certains dépassements des formations politiques dont les partis religieux, “qui refusent de mettre les photos des candidates sur les listes électorales”. D'autres encore ont mis en exergue “le manque de confiance” entre dirigeants et dirigés ainsi que “la cassure intergénérationnelle”, persuadés que “l'abstention ou la non-participation est une forme de contestation”. H A