Figure controversée de la presse marocaine, le directeur du quotidien arabophone Al Massae (le plus gros tirage du royaume) vient d'être libéré après avoir purgé une année de prison pour “désinformation”. Il est à rappeler que le journaliste avait été reconnu coupable par le tribunal de première instance de Aïn Sebâa d'avoir “jeté du discrédit sur une décision de justice, tenté d'influencer la justice et évoqué des faits incriminés non avérés”. Nini avait mis en cause notamment le directeur des services de renseignements marocains, Abdellatif al-Hammouchi, au sujet de l'existence d'un camp de détention et de torture secret à Témara, au sud de Rabat. Rachid Nini a été condamné le 9 juin 2011 a un an de prison ferme avec une amende de 1000 dirhams. Malgré les critiques des organisations de défense des droits de l'homme, à l'image de RSF ou encore HRW, les autorités marocaines sont restées inflexibles face aux appels à son élargissement. Même Abdelilah Benkirane, le chef de l'exécutif qui en avait fait une promesse électorale en tant que leader islamiste du PJD, n'y arrivera pas. Nini purgera sa peine dans son intégralité. Ou presque... Jugeons-en : censé retrouver sa liberté à la première heure de la matinée de samedi selon l'horaire administratif, sa levée d'écrou s'est faite plutôt que prévu, soit à… 3h30 du matin. Les autorités judiciaires marocaines ont décidé, semble-t-il, de libérer le célèbre chroniqueur “à l'heure du laitier” pour éviter un rassemblement devant les portes du centre pénitencier d'Okacha à Casablanca où il a été incarcéré une année entière. Aussi, sa libération n'a pas été fêtée comme attendu par son comité de soutien qui rebroussera chemin devant les portes de la prison. Ce ne sera que plus tard dans la journée à Benslimane d'où est originaire Nini que quelques-uns de ses supporters viendront l'accueillir aux sons d'une troupe folklorique. Il est à signaler que parmi les premières personnalités à l'avoir félicité de sa libération figure en bonne place le ministre marocain de la Justice, Mustapha Ramid, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Mustapha El-Khalfi, et Bensaïd Aït Idder, une figure de la lutte de libération nationale. Dans le lot, il y a également de nombreux militants islamistes du mouvement Al Aâdl Wal Ihsane (principale force d'opposition politique non reconnue mais tolérée) qui sont venus rendre hommage au polémiste qui, malgré son look de “cheb Yazid”, est considéré, par ses positions éditoriales, comme un “crypto islamiste allié au courant le plus conservateur du pouvoir au Maroc”. Dès sa première apparition et prise de parole publiques devant sa demeure familiale à Benslimane, Rachid Nini, à qui on prête un nouveau projet éditorial, a aussitôt émis le vœu que la peine privative de liberté à laquelle il a été soumis soit la dernière imposée à un journaliste marocain. Un souhait qui laisse dubitatif son collègue Abdallah Damoune, qui signe un éditorial à ce sujet dans Al Massae : “Qui peut nous garantir que Rachid Nini sera effectivement le dernier journaliste à pâtir des affres du code pénal ? Et qui peut nous assurer qu'aucun autre ne suivra ses traces dans les jours, les mois ou les années qui viennent, sachant que le journaliste est la partie meuble, celle qu'on peut modeler et pétrir à satiété, qu'il est ce doigt que l'on peut couper lorsqu'il met corruption à l'index ? Les amis de Machiavel ne disaient-ils pas qu'en coupant le doigt qui montre la corruption, il n'y aurait plus de corruption ?” M-C L