Près de quatre mois et demi après le début des affrontements dans le nord du Mali, le pays, autrefois cité comme modèle de démocratie en Afrique, est actuellement en proie à une crise sans précédent. De l'Azawad à Bamako, les problèmes s'accumulent, se superposent, s'imbriquent les uns dans les autres, sans que l'once d'une solution à long terme ne puisse être envisagée. Inertie de Bamako, la Cédéao paralysée, l'Azawad sous contrôle d'Aqmi et d'Ansar Dine, les crises au Mali représentent désormais une menace la sécurité globale de la région, a alerté l'Onu. Des informations sur l'Azawad parvenant des diverses sources médiatiques accentuent l'impression que la rébellion des Touareg du Mali est sous contrôle d'Aqmi et d'Ansar Dine. Le Mnla qui a proclamé l'indépendance est incapable de protéger les populations civiles du nord du Mali, que le mouvement sécessionniste a prénommé le pays des Azawad. L'Aqmi et Ansar Dine font régner leur loi à Kidal, dans le nord-est et Tombouctou, plus bas sur la route de Bamako. Pénurie d'eau potable, rupture des stocks de nourriture, pannes d'électricité, déjà en grande difficulté, les habitants de ces deux villes sont chaque jour un peu plus soumis aux hommes d'Aqmi et d'Ansar Dine qui imposent leurs règles. Ces islamistes d'obédience salafiste version wahhabite imposent des changements dans les habitudes des Touareg, ils exigent des tenues salafistes pour les deux sexes et pas de mixité sur la voie publique. Il est même interdit de saluer les femmes dont la présence dehors n'est plus tolérée. Ils ont ouvert des madrasas sur le mode pakistanais. Les deux villes se sont vidées, n'y sont restés que ceux qui n'ont pas les moyens de partir. Plus d'activités économiques, pas d'argent, pas de travail, ce sont des villes militairement occupées, témoignent les habitants qui n'ont pas eu les moyens de fuir. Groupuscule minoritaire au commencement de la rébellion indépendantiste, Aqmi avance désormais ses tentacules, appuyé par l'arrivée de nouveaux combattants algériens, marocains, tunisiens, libyens et égyptiens alléchés par le Jihad. “D'après nos chiffres, une centaine de combattants maghrébins ont rallié les rangs d'Aqmi dans le nord du Mali”, a déclaré un responsable du ministère malien de la Défense. à Gao et Kidal, le groupe djihadiste s'infiltre progressivement. L'emprise d'Aqmi est également renforcée par l'alliance formée avec le mouvement Ansar Dine, la franchise d'Al-Qaïda pour les islamistes touareg. à Kidal où il s'est installé, le chef d'Ansar Dine, Iyad ag Ghaly, consulte depuis plusieurs jours les responsables tribaux pour tenter de monter une large coalition autour de son groupe. Les leaders Mnla font de même mais ce groupe initiateur de la rébellion touareg démarrée en janvier dernier est apparemment aujourd'hui sur la touche face à l'irruption des islamistes et bien que selon des experts, ses troupes se sont également étoffées. Estimées à 1500 en janvier, elles compteraient 6000 hommes aujourd'hui. Effet collatéral de la montée en puissance des islamistes, une guerre des chefs qui gèle la dynamique du Mnla. Ses nombreuses tentatives pour convaincre Ansar Dine d'abandonner son alliance avec Aqmi afin de mettre conjointement en place un gouvernement de transition dans l'Azawad échouent les unes après les autres, au motif d'un profond désaccord sur l'application ou non de la charia. L'indépendance de la région, autoproclamée le 6 avril dernier, qu'aucun état au monde n'a souhaité reconnaître, semble donc jusqu'ici condamnée à un véritable statu quo. à Bamako, le situation n'est jusqu'ici guère plus enviable. Après le coup d'état du 22 mars, puis l'embargo de la Cédéao, il y a eu récemment une tentative de contre-coup d'état, ce qui montre la précarité de la petite stabilité retrouvée depuis la nomination, le 6 avril, d'un gouvernement de transition. Depuis lors, c'est à une véritable chasse aux sorcières que se livrent les hommes de Sanogo, le capitaine qui a fait chuter l'ex-président Toumare, à la recherche de partisans de ce dernier en exil au Sénégal. Les arrestations de hauts gradés de l'armée se multiplient et les détenus emmenés vers des destinations jusqu'ici inconnues. Au-delà même des conflits qui divisent la classe militaire, ces événements montrent que l'homme, qui prétendait après son coup d'état du 22 mars dernier ne pas vouloir du pouvoir, avant d'être contraint de le rendre aux civils, continue de peser sur les décisions au Mali. En s'opposant fermement à toute tentative de déploiement d'une force de la Cédéao, ainsi qu'à l'extension de la période de transition politique à 12 mois, Sanogo empêche jusqu'à présent toute possibilité d'amélioration de la situation, au Nord comme à Bamako. à trois semaines de la fin de l'intérim de la présidence de la République, la situation du pays est ainsi plus que jamais totalement incertaine. Depuis le début de la crise mi-janvier, près de 160 000 réfugiés maliens ont été comptabilisés par le bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (Ocha). Au Niger, au Burkina Faso, en Mauritanie ou encore en Algérie, les camps de réfugiés se multiplient à vue d'œil. à l'intérieur même du territoire malien, on dénombre également plus de 100 000 déplacés. D. B