Avec seulement 2 323 469 voix, les FLN, RND et Alliance verte réunis ont récolté 338 sièges, alors que les 3 145 389 suffrages exprimés en faveur des partis classés de la sixième place à la dernière n'ont eu que 84. Ce qui fausse la notion même de représentation parlementaire. Pourquoi accuser le système de fraude lorsque les chiffres révèlent des réalités encore plus dramatiques que la trituration du fichier électoral ou la manipulation des résultats ? En effet, ces derniers viennent d'être proclamés par le Conseil constitutionnel qui les a rendu publics mercredi soir. La lecture de ces résultats met en exergue le fossé qui sépare le peuple des politiques censés gérer les affaires de la cité et le manque de légitimité des institutions élues. Jugeons-en par les chiffres. Le corps électoral s'élève à 21 645 841 inscrits. Le FLN a recueilli 1 324 363 voix, ce qui lui a donné 221 sièges sur les 462 que compte l'APN. En pourcentage, cela signifie ce qui suit : 6,11% du corps électoral ont élu 47,8% de l'APN ! Ceux qui se sont empressés de célébrer la victoire du FLN, de l'expliquer par le “plébiscite de Bouteflika” ou encore par une quelconque sociologie politique propre à l'Algérie devraient vite déchanter. C'est bien un triste score pour un parti se voulant, cinquante ans après l'Indépendance, le seul et l'unique héritier des idéaux de Novembre 1954. C'est une infime minorité (6,11%) du peuple en âge de voter qui a élu la quasi-majorité (47,8%) des membres d'une institution parlementaire censée légiférer sur des questions concernant le citoyen. Refaisons les comptes, en additionnant les voix de ce qui correspond à ce qu'on appelait l'Alliance présidentielle. Les FLN, RND et Alliance verte réunis ont récolté 2 323 469 voix (10,73% du corps électoral). Ce qui leur a valu 338 sièges, c'est-à-dire 73,16% de l'APN. En termes de pourcentage, cela signifie que seulement 10,73% des Algériens en âge de voter ont désigné 73,16% de l'Assemblée populaire nationale. C'est bien dramatique, mais c'est cela notre triste réalité politique. Même si on considère que les voix exprimées en faveur de l'Alliance présidentielle sont autant de soutiens au président de la République, Abdelaziz Bouteflika, il faut se résoudre à constater que l'institution présidentielle ne repose que sur 10,73% du peuple en droit de voter et que les 89,27% restants ont été sourds au discours de Sétif. En outre, ceci prouve, si besoin est, que l'APN élue le 10 mai souffre déjà d'un manque de représentativité, puisqu'elle n'est l'émanation que d'une infime minorité. L'autre grosse anomalie de cette élection et que les chiffres révèlent au grand jour, c'est la disproportion entre les voix récoltées par un parti et le nombre de sièges qui en ressortent. En effet, avec 188 275 voix, le FFS a récolté 21 sièges ; mais avec 283 585, le PT n'a eu droit qu'à 17 ! Même topo avec le FNA qui n'a eu que 9 sièges avec 198 544 voix ou encore le Front pour la justice et le développement (Addala) lequel, avec 232 676 voix, n'a eu que 7 députés ! Le nombre des suffrages exprimés en faveur du MPA (165 600 voix) équivaut presque au score du FFS (une différence de 22 675 voix). Mais le parti de Amara Benyounès n'a eu droit qu'à 6 députés. On peut en conclure, sous réserve, que le mode de scrutin favorise les partis ayant une forte présence régionale à ceux ayant une implantation nationale. Autant tirer le maximum de sièges dans une ou deux wilayas qu'avoir une aura nationale sans équivalence parlementaire. Il faut bien admettre que le mode de scrutin qui permet ces anomalies soit absurde. Inutile de triturer les résultats, puisque le système électoral favorise, tout naturellement, le détournement des voix. Car, en fait, si l'on refait parler les chiffres, en additionnant les résultats des perdants ou, appelons-les ainsi, les moins gagnants, on doit relever que la somme des suffrages exprimés en faveur des partis classés de la sixième place (PT) à la dernière (Mouvement El-Infitah) s'élève à 3 145 389. Ce qui représente 14,53% du corps électoral, avec près de 4 points de plus que l'Alliance présidentielle (10,73%). Mais ces suffrages exprimés en faveur des “moins gagnants” ne sont représentés à l'APN que par 84 députés (18,18%) ! Assez maigre pour des partis plus représentatifs et plus influents auprès du peuple. C'est là le discours cinglant des chiffres. Car ces anomalies n'ont été possibles que du fait d'un mode de scrutin qui a transformé l'urne en véritable boîte de pandore. M F