La fusion annoncée du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), la rébellion targuie et du groupe islamiste Ansar Dine a encore brouillé les cartes aux frontières méridionales de l'Algérie. Le nord du Mali, qui a échappé au pouvoir central malien à la suite du putsch du 22 mars à Bamako, pourrait ainsi rapidement se transformer en une sorte d'Etat afghan. Fini les querelles de clocher de ces trois derniers mois lorsqu'à Kidal, Gao et Tombouctou flottaient les drapeaux de chaque mouvement présent, la rébellion targuie et les franchises régionales d'Al-Qaïda (Aqmi et Ansar Dine), symboles du contrôle territorial de chaque entité. Le MNLA et les djihadistes d'Ansar Dine, la branche islamiste de la rébellion targuie, auparavant séparés par leurs objectifs et leurs idéologies, se sont fondus pour essayer de mieux tenir en main cet afghanistanland, ce qui, en soi, constitue d'ores et déjà un appel d'air pour les multiples groupuscules djihadistes en activités et/ou en hibernation dans la vaste région sahélo-saharienne. De la Mauritanie à la Somalie, le Sahel est parsemé de milices islamistes. À Nouakchott, l'année 2012 qui devait être celle de grands bouleversements politiques et sociaux, à travers l'organisation des élections municipales et législatives, se présente maintenant comme celle de toutes les incertitudes. Le président Mohamed Ould Abdel Aziz arrivé au pouvoir par un putsch, puis investi au pouvoir suite à des élections “contestées”, est dans la ligne de mire des islamistes qui jusqu'ici n'avaient aucune chance d'accéder au pouvoir mais se voient aujourd'hui encouragés et renforcés par la situation au Nord-Mali. Ould Abdel Aziz suspecte le Qatar de mettre sur orbite Tawassoul, un parti salafiste sur la tête duquel le département d'Etat américain a tissé des lauriers ! Au Niger, la frontière avec le Nord-Mali est poreuse et le pays n'a pas encore accouché de groupes islamistes propres, c'est un refuge et un théâtre d'activités pour Aqmi et surtout Boko-Haram, ces djihadistes du Nigeria qui y ont égorgé en automne dernier cinq chrétiens nigérians. Ce sont justement ces islamistes de Boko-Haram qui, à, partir du nord musulman du Nigeria, ont essaimé le djihadisme jusqu'au Cameroun en passant par le Burkina Faso et l'Ouganda, établissant des passerelles avec les shebab de Somalie et Aqmi du Sahara. Les rebelles islamistes contrôlent intégralement la Somalie où même le foot est qualifié d'acte satanique. L'école est remplacée par des cours sur le Coran et le maniement des armes. Shebab et Boko-Haram veulent créer des émirats islamiques sur le modèle de ce qu'ont fait les taliban en Afghanistan. Le groupe islamiste Ansar Dine, qui est né dans le nord du Mali pratique le même programme culturel que Boko Haram et les shebab. Plus de jeux vidéo ni de foot, des interdictions sociales sont énoncées : hidjab de rigueur et la mixité bannie. Les habitants de Gao ont manifesté pour le retour de leurs droits, ils ont été reçus par les nouveaux maîtres de la ville avec des coups de feu. La rébellion targuie, jusqu'ici sécessionniste et laïque, s'est moulée dans le corps et l'esprit d'Ansar Dine, prônant à son tour l'instauration de la charia et l'exportation du djihadisme. Le gouvernement malien de transition, qui ces dernières semaines était surtout pris par ses difficultés à s'imposer à Bamako face à l'ex-junte, a réaffirmé sa position de principe, rejetant catégoriquement toute idée de création d'un Etat de l'Azawad, encore plus d'un Etat islamique. Une position de principe qui ne change rien à la position dominante des islamistes. Car, dorénavant, le MNLA a perdu du terrain et, pour rebondir, Bamako, comme la Cédéao et les pays limitrophes, devraient chercher d'autres initiatives. Pour l'heure Aqmi ne s'est pas manifesté mais tout le monde sait que la franchise maghrébine d'Al-Qaïda est aujourd'hui “plus armée que les armées du Mali et du Burkina réunies”. D. B