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IL DRESSE LE BILAN DE L'ACTION DU GOUVERNEMENT
Ouyahia : “L'échec est collectif”
Publié dans Liberté le 03 - 06 - 2012

C'est un véritable aveu d'impuissance face aux lobbies politico-financiers qu'a concédé, hier, le secrétaire général du RND et Premier ministre, Ahmed Ouyahia, qui a affirmé que “l'argent maffieux gouverne le pays”. Il a déclaré, en outre, qu'il dérangeait, car il n'était pas “l'homme à compromission dans sa gestion des affaires publiques”.
On reprochait à Ahmed Ouyahia son mutisme au lendemain des élections législatives. Trois semaines plus tard, il s'est largement rattrapé dans une conférence de presse qu'il a animée hier au siège national de son parti, à l'issue de la 6e session ordinaire du conseil national.
Le secrétaire général du Rassemblement a évoqué toutes les questions qui se posent dans l'actualité nationale, à l'exception des raisons qui motivent le retard induit dans la démission du gouvernement et la formation d'une nouvelle équipe comme le dictent la tradition et les lois à chaque renouvellement de l'Assemblée nationale. “C'est vrai que cela crée une attente et un événement”, a commenté M. Ouyahia, rappelant que ce n'est pas la première fois qu'une entorse est faite à la procédure réglementaire et protocolaire. Il a cité l'exemple de l'obligation de passage du Premier ministre, annuellement, devant le Parlement, pour présenter son bilan et sa déclaration de politique générale, qui n'est pas respectée à la lettre. “Le plus important est le maintien de l'ordre républicain et la poursuite de l'action du gouvernement”, a-t-il estimé. Il a soutenu, par ailleurs, que la désignation d'un Premier ministre et la formation de son gouvernement relèvent d'une prérogative constitutionnelle du chef de l'Etat. “Ne croyez pas que le Premier ministère est le Paradis. Ce qu'on raconte dans le livre L'enfer de Matignon s'applique aussi chez nous”, a-t-il ajouté, pour signifier qu'une haute responsabilité dans les institutions de l'Etat n'est pas un “cadeau” et qu'il quitterait sa fonction sans s'y accrocher.
Recul sur l'usage de chèque : “c'est un échec que j'assume en tant que premier ministre”
Interpellé sur le commerce informel, qui continue à prospérer, Ahmed Ouyahia, qui a remis, le temps de répondre à cette question, son habit de Premier ministre, a reconnu que l'Etat ne parvenait pas à éradiquer le phénomène en raison de la forte influence des lobbies politico-financiers. “L'argent maffieux gouverne le pays”, a-t-il déclaré, comme un aveu d'échec, matérialisé par le recul du gouvernement sur l'usage obligatoire du chèque bancaire pour les transactions d'une valeur supérieure à 500 000 DA et la présentation de la facture. “Ce recul, je l'assume en tant que Premier ministre”, a-t-il poursuivi, quelque peu désenchanté. Il paraissait tout aussi dépité quand il a lancé de manière assez impromptue. “Je sais que je dérange, mais c'est comme ça. En tout cas, en politique, le pire vient de l'indifférence.” Evidemment, un tel pavé jeté dans la mare ne pouvait que susciter la curiosité des journalistes, qui ont cherché à en savoir davantage. “Je dérange ceux qui n'apprécient pas que je ne sois pas un homme à compromissions, dans ma gestion des affaires publiques.” Il a pointé ainsi du doigt aussi bien ses détracteurs en sa qualité de commis de l'Etat que les frondeurs au sein de son propre parti. À ce propos, le patron du RND a qualifié la contestation qui enfle dans les instances de son parti de normale. Il a signifié, néanmoins, une fin de non-recevoir aux exigences des animateurs du “mouvement de protection du RND”. “Nous ne constituons pas un club culturel. Le parti est régi par des textes. Le congrès extraordinaire ne peut être convoqué que par le secrétaire général ou les deux tiers des membres du conseil national”, a-t-il expliqué, réduisant ainsi le poids des contestataires à des portions congrues. De son point de vue, ce qui a compromis les chances du RND de réaliser un meilleur score aux législatives n'est pas le fait des contestataires “mais les militants et les cadres qui se sont présentés à ce scrutin contre leur parti. Nous avons perdu, à cause de ça, environ 20 000 voix qui nous auraient donné 3 sièges supplémentaires”, a-t-il affirmé. Une conduite qui justifie, selon lui, leur radiation des rangs du parti. “Ce n'est pas une exclusion. Ils ont perdu leur appartenance au RND dès lors qu'ils ont décidé de se porter candidats à la députation sur d'autres listes électorales”, a-t-il précisé.
FLN-RND, même famille politique, même idéologie
Sur les présomptions de fraude qui pèsent sur le vote du 10 mai dernier, Ahmed Ouyahia a souligné que depuis l'avènement du pluralisme politique, on a tendance à ne pas admettre la défaite. “Au RND, on ne croit pas à ce discours (sur la fraude, ndlr). Il se pourrait qu'il y ait eu des insuffisances çà et là, mais pas dans les proportions rapportées”, a-t-il suggéré. Sur le grand écart de sièges obtenus par le FLN, et son parti, le RND, le secrétaire général du Rassemblement a répondu que l'APN a été renouvelée sur la base d'un vote et non pas sur la base de partage de quotas. Au-delà, il a estimé que la seule différence entre les deux formations était strictement numérique. “Nous sommes de la même famille politique, et personne n'est entre nous.”
Les indemnités des parlementaires, qui ont exacerbé la désaffection des citoyens vis-à-vis des législatives et conforté la tendance à l'abstention, “ne sont pas scandaleuses, mais paraissent disproportionnées avec le pouvoir d'achat des algériens”, a analysé M. Ouyahia. Il a précisé que leur révision à la baisse ne pouvait être initiée que par l'APN elle-même ou le gouvernement. “Qu'en sera-t-il ? C'est un point d'interrogation.” Il est impératif, toutefois, de sa conviction, de clarifier les dispositions relatives à l'immunité, pour la circonscrire à l'acte parlementaire. “Le député ou sénateur doivent répondre de leur responsabilité civile ou pénale”, a-t-il jugé. Dans le sillage, il a indiqué que son groupe parlementaire plaiderait pour la reconversion d'une partie des salaires des parlementaires en prime de présence afin de mettre un terme à l'absentéisme, qui a posé problème durant la législature précédente. Quant au boycott, prôné par de nombreuses formations politiques représentées dans la chambre basse du Parlement, le premier responsable du RND avancera ce commentaire : “Pour l'heure, ce n'est qu'un effet d'annonce. Attendons pour voir.” Il n'en demeure pas moins qu'il a considéré la démarche comme un manque de considération pour les électeurs qui ont voté pour ces députés. Ahmed Ouyahia a informé qu'une instruction avait été donnée à ses parlementaires pour n'accepter aucune adhésion d'un député élu sur une autre liste. “Nous sommes contre le nomadisme politique”, a-t-il expliqué.
La relance de la proposition de loi criminalisant le colonialisme est-elle à l'ordre du jour, à la veille du cinquantième anniversaire de l'indépendance ? “Je pense que nous avons besoin d'attendre pour évaluer les échanges entre l'Algérie et la France après l'élection du nouveau président (François Hollande, ndlr)”, a dit M. Ouyahia.
S H


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