Ahmed Ouyahia est candidat. Si le Premier ministre critique la course aux postes des hommes politiques, course dans laquelle il ne s'inscrit pas, sa sortie médiatique est le signe que quelque chose a changé dans l'esprit du “Poutine algérien”. Car Ouyahia a retrouvé sa liberté de parole. Et c'est fracassant. “Quelle est la différence entre Ahmed Ouyahia et Ali Benhadj ?” “Aucune, tous les deux sont en résidence surveillée”. Cette boutade cruelle qui circulait dans les salons algérois est symptomatique de la prison dorée qu'est la chefferie du gouvernement dans laquelle était enfermé Ouyahia. Un Premier ministre discipliné, poussant le zèle du commis de l'Etat jusqu'à avaler les couleuvres les plus indigestes comme la défense d'une réconciliation nationale permissive. Ouyahia a essuyé les plâtres de tout le monde, à commencer par des ministres du gouvernement qu'il n'a pas choisis, jamais appréciés et certainement jamais contrôlés. Ouyahia a accepté les rumeurs le donnant partant, fini, broyé par le système Bouteflika, lessivé par le Crédoc et le 51/49 et mal aimé des Algériens. Ouyahia est resté stoïque lorsqu'on lui a fait assumer les décisions les plus impopulaires qu'il a cautionnées par loyauté étatique. Par souci de ne pas déstabiliser les équilibres internes. Mais voilà, la patience a ses limites surtout quand son propre parti, le RND, est pris d'une violente crise de redressement qui le vise spécialement. Ouyahia contesté jusque dans son propre jardin par un “coup d'Etat scientifique” qui n'a pas l'apparence de la spontanéité. Ouyahia a pris donc la parole. Il assume l'échec du gouvernement mais pas seul car il parle d'“échec collectif”. Ce constat de défaillance est bruyant du moment qu'Ouyahia a toujours dit qu'il ne fallait qu'appliquer le programme du président de la République. En un mot, il faut chercher plus haut les responsabilités. Ouyahia avertit sur un retour vers les années difficiles, admet que l'argent mafieux a gangréné les hautes sphères du pouvoir, compromis la décision économique, autorise une économie d'importation et accroît la prédation financière de la mafia, des barons et des importateurs. Ouyahia le sait. Il vient d'atomiser la construction actuelle des équilibres. C'est violent. C'est nouveau et probablement salvateur. Car Ouyahia vient de s'affranchir. Donné partant, il tire une salve d'honneur et signe un testament politique. Mais de deux choses l'une. Soit Ouyahia est impulsif et se sentant écarté, règle ses comptes avec ses détracteurs qui l'ont toujours empêché d'aller à la rencontre des Algériens pour se construire une stature présidentielle. Soit, Ouyahia est réfléchi et donne rendez-vous à ses ennemis politiques pour 2014 dans une démarche qui ne manque pas de courage. Qualité dont il serait dénué selon ses mêmes adversaires. M. B.