Le tir de drone américain qui a tué 15 insurgés lundi matin dans les zones tribales du nord-ouest du Pakistan visait en fait le numéro deux d'Al-Qaïda, Abou Yahya Al-Libi (le Libyen). Washington a confirmé cette fois-ci la mort hier de celui qui avait déjà été déclaré mort, faussement, lors d'une autre attaque en décembre 2009. Cela ne l'avait pas empêché de réapparaître par la suite, bien vivant. Ces zones tribales connues pour être des bastions des talibans afghans et pakistanais, et pour abriter des groupes liés à Al-Qaïda, sont régulièrement le théâtre d'attaques hautement ciblées et hautement technologiques lancées par des drones (avions sans pilote). Des opérations qui suscitent régulièrement des tensions entre les Etats-Unis et leur allié pakistanais, qui dénonce cette ingérence, surtout lorsque de tels raids tuent des civils, voire des militaires pakistanais. Mais ponctuellement, ces raids ciblés peuvent déboucher sur un succès notable, lorsque l'une des victimes s'avère être un haut membre d'Al-Qaïda, ce qui pourrait être le cas de ce raid mené dans le Nord-Waziristan. Des officiels pakistanais ont fait état de la présence d'étrangers parmi les corps retrouvés sur la base de djihadistes visée par le drone américain. Mais la cible principale semble avoir été Abou Yahya Al-Libi “le Libyen”, de son vrai nom Mohamed Hassan Qaïd, considéré comme le numéro deux d'Al-Qaïda et comme l'un de ses principaux stratèges. Il pourrait figurer au nombre des victimes. Originaire de Libye, ce proche de Ben Laden est apparu à plusieurs reprises ces dernières années dans des messages vidéo d'Al-Qaïda. Diplômé en chimie et spécialiste des nouveaux médias, il s'est notamment rendu célèbre en s'évadant en 2005 d'une prison américaine en Afghanistan. En mars, il avait exhorté les rebelles libyens à poursuivre leur offensive contre le régime Kadhafi. La nouvelle de sa mort a circulé après l'attaque de drone parmi les groupes de rebelles pakistanais. Ce serait un coup terrible au cœur même d'Al-Qaïda d'éliminer leur numéro deux fois en moins d'un an, se réjouit déjà un responsable américain, cité par le New York Times. Le précédent numéro deux d'Al-Qaïda, Atiyah Abd Al-Rahman, avait été tué au Pakistan, dans cette même zone tribale du Waziristan, le 22 août 2011. Mais même si cette mort était confirmée, ce qui serait en soi un succès pour les renseignements américains, l'opération ne devrait guère contribuer à détendre l'atmosphère entre le Pakistan et les Etats-Unis, qui tentent toujours d'améliorer une grave crise dans leurs relations apparue l'année dernière à la suite du raid secret américain au cours duquel Oussama Ben Laden avait été tué, et d'autres attaques aériennes qui ont causé la mort de 24 soldats pakistanais. Les Pakistanais estiment que les attaques de drones sont globalement contre-productives, minent les efforts gouvernementaux pour séparer les tribus des militants, violent la souveraineté pakistanaise, tuent des civils et alimentent les sentiments anti-américains. “Le Pakistan condamne fermement ces attaques”, a réaffirmé le porte-parole du ministère des AE du Pakistan, quelques heures après le raid qui pourrait avoir coûté la vie à Abou Yahya Al-Libi.