Le président français a dû passer une nuit bien tranquille dimanche soir. Le cauchemar d'une cohabitation avec un Premier ministre de droite devrait être évité la semaine prochaine. Les électeurs ont donné à la gauche la majorité nécessaire pour conduire le changement promis. Sans être une vague “rose”" déferlante, la victoire est incontestable et les Français n'ont pas suivi l'UMP qui leur a demandé de ne pas donner plus de pouvoirs que ça à la gauche qui, avant l'Elysée, dirigeait déjà le Sénat et détenait le pouvoir dans la plupart des 22 régions et des 36 000 communes. Comme l'écrivait Libération qui lui est proche, c'est donc une “majorité normale” qui a été donnée au “président normal” qui attendait cette confirmation pour mettre en musique législative les soixante engagements qu'il avait pris en campagne. Si les pronostics le confirment au second tour, le Parti socialise pourrait même disposer d'une majorité qui le protégerait du marteau du Front de gauche et de la faucille des Verts. Dans ce cas, ce sera la “majorité large, solide et cohérente” que François Hollande a appelée de ses vœux pour échapper à d'éventuels marchandages avec ses alliés écologistes et la gauche radicale. “L'essentiel, c'est que la majorité soit forte pour le président de la République”, a insisté, lundi, la patronne du Parti socialiste (PS) Martine Aubry, appelant les électeurs de gauche à ne pas se démobiliser et à confirmer la victoire par les urnes lors du second tour, dimanche prochain. La France est régie par un système hybride, à la fois présidentiel et parlementaire, qui ne donne la prépondérance au chef de l'Etat que s'il dispose d'une majorité à l'Assemblée nationale. Selon les projections en sièges réalisées par les instituts de sondage, les socialistes recueilleraient dimanche prochain de 283 à 329 sièges, sur les 577 que compte l'Assemblée. Ainsi, ils auraient à eux seuls la majorité absolue, et pourraient même se passer du soutien de leurs alliés de gouvernement écologistes (environ 10 à 15 sièges), et surtout de la gauche radicale. Surtout que son leader charismatique, l'ex-socialiste Jean-Luc Mélenchon, est désormais un homme à terre. Après avoir soulevé l'enthousiasme des foules pendant la campagne présidentielle, il avait réalisé un score décevant (11,1%). Dimanche, il s'est incliné devant la chef de l'extrême droite Marine Le Pen, qu'il était allé défier dans sa place forte de Hénin-Beaumont (Nord). Face à elle, ce n'est pas lui mais un candidat socialiste qui défendra dimanche prochain les couleurs de la gauche. François Hollande devrait ainsi avoir les mains plus libres pour réformer à son rythme, alors que la France, comme la zone euro, est sous la surveillance des marchés et que certaines de ses propositions sur les retraites ou la revalorisation du pouvoir d'achat inquiètent ses partenaires. Avec ses alliés, le parti UMP (Union pour un mouvement populaire) a recueilli 34% des voix, contre 40% pour les socialistes (environ 35%) et les écologistes (environ 5%). Il peut espérer entre 210 et 263 sièges dans la future Assemblée. Mais une fois de plus, il doit se déterminer face une extrême droite bien installée dans le paysage, avec 13,6% des voix, et qui pourra maintenir 61 candidats au second tour, dans des duels contre la gauche ou la droite, ou dans des “triangulaires” contre la gauche et la droite. “On ne fait pas d'alliance avec le Front national (FN, extrême droite). Mais est-ce qu'il faut soutenir un candidat de gauche qui fait alliance avec l'extrême gauche de Mélenchon, ce n'est pas sûr”, a résumé hier le chef de l'UMP Jean-François Copé sur la radio Europe 1. La droite n'a donc pas l'intention de faire de cadeaux à la gauche en établissant un solide “cordon sanitaire” autour du FN. En 2002, la gauche avait appelé à un “front républicain” pour faire battre Jean-Marie Le Pen, permettant alors à Jacques Chirac un score supérieur à 80%. Localement, certains élus de droite pourraient même favoriser l'élection de candidats de l'extrême droite. Ce pourrait être le cas pour Gilbert Collard, un avocat médiatique rallié au FN, dans le Gard (Sud). Le FN pourrait ainsi revenir à l'Assemblée nationale, où il n'avait plus siégé depuis 1988. Mais le mode de scrutin sanctionne son isolement politique, et il peut au mieux espérer trois élus. Parmi eux, deux membres de la famille Le Pen. La chef du parti, Marine Le Pen, arrivée en tête avec 42% à Hénin Beaumont, mais qui livrera un duel incertain au Parti socialiste. Le clan du fondateur du FN Jean-Marie Le Pen a aussi vu émerger dimanche une nouvelle personnalité, sa petite-fille Marion Le Pen-Maréchal, en tête à Carpentras, dans le Vaucluse (Sud). Marine Le Pen a annoncé que ses candidats se maintiendraient dans la totalité des 61 circonscriptions où ils sont arrivés au second tour. “Le principe est le suivant : nous nous maintiendrons évidemment dans toutes les circonscriptions où nous sommes arrivés au second tour”, a déclaré la patronne du parti d'extrême droite, réaffirmant sa position, alors que le FN est présent dans 32 triangulaires. En revanche, Marine Le Pen a indiqué que son parti pourrait, là où il est absent, soutenir dans certains cas des candidats de l'UMP ou du PS. En attendant dimanche, les socialistes doivent gérer le cas de Ségolène Royal qui doit affronter un dissident résolu à ne pas s'effacer malgré les demandes pressantes du parti. En cas de défaite, celle qui fut l'adversaire de Nicolas Sarkozy en 2007 avec le rêve de devenir la première femme à diriger la France risque cette fois de voir s'évaporer l'espoir d'être la première femme à présider l'Assemblée nationale. A O