Résumé : Louisa est inquiète. Kamel part en mission pour quelques jours, et elle ne s'explique pas ce mauvais pressentiment qui s'empare d'elle. Elle tente de le dissuader de partir, mais il ne pouvait se dérober à une mission qui pouvait rapporter gros. Il lui promet de prendre un congé dès son retour... Ils iront au bled. Nous restons enlacés un moment, puis je retourne dans la chambre pour terminer de préparer ses affaires. Et si je demandais à Kamel de lui faire la voyance... ? Cela me permettra de voir plus clair, et de balayer aussi mes inquiétudes. Mais mon mari, s'il respectait mon don, ne croyait pas trop à mes prédilections. Le paradoxe pour quelqu'un qui conseillait aux autres de passer me voir... Pourtant j'avais fais mes preuves. Rien à faire donc. Mes angoisses reprirent de plus belle. J'étais départagée entre l'envie de retenir mon mari et celui de le laisser partir en espérant que mon mauvais pressentiment n'était qu'un subterfuge pour l'empêcher de s'éloigner de moi. Hélas ! Ce n'était pas le cas... Mon mauvais pressentiment était une véritable alerte. Kamel parti très tôt le lendemain matin, me laissant triste et angoissée. Il réitéra ses conseils et me demanda de ne pas m'inquiéter. Je passais la matinée à me morfondre. Je ne voulais ni sortir ni même recevoir des gens. Mme Olivier me sermonna et me reprocha mon scepticisme exagéré. Après tout, Kamel n'était pas parti seul, et puis ce n'était pas la première fois qu'il partait en mission dans une ville éloignée. Je ne pu me détendre qu'une fois que mon mari daigna m'appeler, pour m'apprendre qu'iI était arrivé à sa destination, sain et sauf. Je me reprochais alors mon anxiété... Pourquoi étais-je si vulnérable et si réceptive aux forces du mal ? Cependant, quelque chose en moi refusait de réagir positivement. Je tentais de balayer mes appréhensions en rendant visite à mon beau frère Malek et à sa famille. Sophie me reçu, son nouveau-né dans les bras ; et à la vue de ce bonheur, j'oubliais mes craintes. Mais cela revenait à chaque fois que je me retrouvais seule. Je repris alors ma voyance, et occupais mon temps à courir les magasins et à faire du shopping pour les petits. Kamel m'appelait régulièrement tous les soirs. Nous discutions alors de choses et d'autres, nous rions de certaines anecdotes, il me racontait sa journée, et moi la mienne. Nous comptions alors tous les deux les heures et les minutes qui nous séparaient. La semaine passe enfin. Mon mari devrait rentrer le lendemain. À cette perspective, mon cœur s'emballe. Je m'empresse d'aller acheter des légumes frais, des fruits, de la viandes, des confiseries et tout ce qu'il fallait pour préparer un bon dîner de retrouvailles. J'étais plus ou moins rassurée. Kamel sera là demain soir, et je n'aurais qu'à penser à notre prochain voyage au bled. J'étais certaine que ce voyage-là sera mémorable. Je me levais tôt pour entamer un grand nettoyage dans mon appartement. Je voulais que chaque chose soit à sa place, et que tout brille de mille feux. J'étais sur un nuage... mon esprit vagabondait à mille lieues de moi... Je pensais à mes parents que j'allais bientôt revoir, aux enfants de Aïssa qui grandissaient vite, aux gens du village que j'allais rencontrer, aux projets de Kamel... et... à notre voyage en voiture jusqu'à Marseille, puis d'Alger jusqu'au bled. Cette fois-ci, à coup sûr, notre déplacement fera sensation au village. Tous les villageois viendront admirer notre voiture. Nous serions le premier couple à rentrer de l'hexagone avec un quatre roues. À cette époque, les émigrés ne pensaient qu'à économiser pour construire des maisons et acheter des terres, il n'y avait pas de place pour les extravagances. Je pensais alors que nous risquions d'être la cible du mauvais œil. Je me mets à rire à cette pensée. Je fus soudain tirée de mes méditations par la sonnerie du téléphone. Je cours pour répondre... Mon mari m'appelle sûrement pour m'annoncer qu'il est déjà à Paris, ou qu'il allait rentrer un peu plus tard que prévu. Je décrochais d'une main tremblante. À peine le combiné porté à mon oreille qu'une voix rauque et autoritaire me demanda si j'étais bien Louisa... Louisa, la femme de Kamel... Je répondis par l'affirmation. Sans me laisser le temps de reprendre mon souffle, la voix me demande de me rendre au commissariat de notre arrondissement. La communication est coupée. Je demeure un moment interdite, le combiné entre mes mains. Soudain, la réalité se fraye un chemin dans mon esprit. Si on me demandait de passer au commissariat c'est que quelque chose était arrivé. Mon mari a dû avoir un accident. Le doute n'était plus permis. Je saisi en hâte mon manteau et mon sac et dévale les escaliers. Mme Olivier, qui sortait de chez-elle, me dévisage d'un air curieux : - Mais enfin Louisa que se passe-t-il ? on dirait qu'il y a une meute de loups après toi. (À suivre) Y. H.