Depuis au moins deux décennies, le débat sur les réformes en général et celles à caractère économique en particulier a occupé tous les espaces de réflexion. L'Algérie, à l'instar d'autres pays, a subi deux chocs extrêmement forts : la double transition économique et politique pour sortir d'un système d'économie centralisée vers une économie de marché et d'un système monolithique vers le pluralisme politique. Aux problèmes de transition, déjà complexes, s'est additionné le problème du terrorisme. L'Etat était confronté à ses problèmes alors qu'il n'était ni préparé ni doté de structures et de moyens appropriés et encore moins de ressources humaines qualifiées pour conduire le changement dans la complexité. Au sortir de la crise du terrorisme, heureusement les ressources financières étaient disponibles pour supporter les coûts des transitions. Trois secteurs ont été considérés comme particulièrement sensibles et jugés prioritaires et pour lesquels des réformes urgentes devaient être mises en œuvre, il s'agissait de la réforme du système éducatif, de la réforme de la justice et de la réforme de l'Etat. Les réformes économiques ont été engagées dès 1988. Des commissions de réflexion et de recommandations ont été installées en 2000. Les réformes économiques sont celles qui ont le plus été débattues tant leur impact sur la société est à la fois immédiat et concret. Et ce sont celles qui sont restées inachevées. L'Etat, en voulant être à la fois le régulateur, le propriétaire, le principal employeur s'est arrogé tous les pouvoirs de décision en s'appuyant sur une administration lourde, centralisée, peu encadrée et surtout inefficace. Il faut dire que cette forme d'administration dans ses structures et ses procédures est le résultat d'une évolution historique. D'abord un héritage de l'administration coloniale dont la mission prioritaire est le contrôle de la population indigène et caractérisé aussi par un centralisme inspiré par la doctrine politique des jacobins (le jacobinisme) ; ensuite par les idéaux de la révolution dont le principal est sans doute l'idéal de la justice sociale et de l'équité tant attendu par la population et qui nécessite aussi une centralisation de la répartition du peu de ressources aux plus démunis ; vient ensuite le projet ambitieux de la construction du développement économique et social du pays qui, pour des raisons liées à la modicité des ressources financières et surtout celle des ressources humaines, doit opter pour une centralisation de la décision. L'Etat indépendant s'est donc constitué sur des “facteurs" d'urgence et provisoires, seulement les choses sont restées inchangées faisant fi de toutes les évolutions de la société, de l'économie et surtout de l'environnement international et en ignorant l'évolution des modes d'organisation des structures et des missions de l'Etat et des développements des instruments d'intervention de l'Etat dans le domaine de la gouvernance, du management et du développement des ressources humaines. S'il est légitime, jusqu'à aujourd'hui, de revendiquer encore l'Etat providence (pour des raisons liées à la répartition d'une ressource nationale que sont les hydrocarbures) parce que ni l'économique ni l'organisation sociale et politique ne permettent la prise en charge des besoins de base de la société, il est moins légitime de gaspiller ces ressources ou de ne pas les utiliser avec efficacité et efficience parce que l'Etat, à travers ses instruments administratifs, n'est pas capable de réaliser les idéaux de la société. Cinquante ans après le recouvrement de son indépendance, l'Algérie a beaucoup évolué tant au plan démographique qu'au plan social et politique. Au plan économique, l'hégémonie du secteur des hydrocarbures ne peut occulter le dynamisme du secteur privé productif et les revendications de la société en matière d'emplois, de protection du consommateur, de la modernisation du service public etc. Cette évolution doit se traduire par une évolution des structures et des missions de l'Etat dans le sens d'une meilleure prise en charge des nouveaux besoins de la société dans toutes ses composantes (citoyens-usagers-contribuables-investisseurs, ...). L'Etat-providence a besoin plus que d'autres formes d'interventions de l'Etat, d'une efficacité pour être légitime. La réforme de l'Etat, inscrite comme une priorité dans les différents programmes, demeure en marge du processus de réforme des autres secteurs, comme les réformes économiques, et en décalage de l'évolution de la société et de l'économie. Pourtant, un groupe de réflexion, d'analyse et de formulation de recommandations a été installé en novembre 2000 pour élaborer un programme de réformes touchant tous les volets en termes de structures et de missions de l'Etat. Le report conscient ou non de la modernisation de l'Etat et de son instrument, l'administration, produit des situations quasi irréversibles ou du moins difficiles à redresser sinon avec un coût exorbitant. M. C. B. (*) Professeur de management et de développement institutionnel.