Première confrontation publique entre les généraux égyptiens et le président frère musulman. De nouvelles élections parlementaires auront lieu dans un délai de 60 jours suivant la promulgation de la nouvelle Constitution. C'est la réponse des 19 généraux qui ont le pouvoir réel en Egypte au tout nouveau président, un islamiste issu des rangs des Frères musulmans qui ne désespère pas apparemment de recouvrir toutes les prérogatives présidentielles. Mohammed Morsi avait ordonné dans la matinée de dimanche par décret que le Parlement, dissous par décision de justice, se réunisse à nouveau jusqu'à ce qu'une nouvelle Assemblée soit élue. “Le président Mohammed Morsi a ordonné la reconvocation des sessions du Parlement élu", a déclaré un de ses collaborateurs,Yasser Ali, lisant un communiqué de la Présidence. Le Conseil suprême des forces armées, qui détient de fait le pouvoir depuis la chute de Moubarak en février 2011, et qui avant de confier la présidence au candidat des Frères musulmans avait pris soin de baliser tous les espaces du pouvoir, s'est aussitôt réuni pour examiner, étudier et débattre des répercussions de la décision de Morsi de réunir à nouveau le Parlement. Le décret présidentiel a également poussé la Haute-Cour constitutionnelle à convoquer une session d'urgence lundi pour étudier la mesure. À l'appel du Parti liberté et justice (PLJ) des Frères musulmans, quelques centaines de personnes, pas plus, se sont rassemblées dimanche sur la place Tahrir pour soutenir la décision de Mohammed Morsi. “Nous t'aimons, Morsi, ont-ils scandé. À bas le régime militaire." Mais il n'y a pas eu foule. Quoiqu'il en soit, la décision de Morsi met en lumière, s'il en est besoin, les luttes de pouvoir à l'œuvre entre islamistes et militaires qui devraient caractériser son mandat. Pour le moment, le maréchal Tantaoui et ses pairs pourraient se contenter d'une bataille juridique pour déterminer si le nouveau président est en droit d'annuler une décision de la Haute-Cour constitutionnelle. Cette dernière a provoqué la dissolution du Parlement le mois dernier au motif “d'irrégularités" dans le déroulement du long scrutin qui a eu lieu l'hiver dernier. Le Parlement avait été dissout la veille de la reconnaissance par l'armée de la victoire aux urnes de Morsi. Composé aux deux tiers d'islamistes, les Frères musulmans et les salafistes, le Parlement devait rédiger la nouvelle Constitution, une prérogative contestée par les acteurs du printemps du Caire et la société civile. La décision de renvoyer les députés fraîchement élus chez eux, prise quelques jours avant le second tour de l'élection présidentielle, avait été interprétée comme le signe d'une tentative des militaires de préserver leurs prérogatives. Plusieurs observateurs se sont montrés surpris par l'annonce du président, et ne s'attendaient pas à une confrontation aussi rapide de la part des Frères musulmans qui avaient tenté de rapprocher leurs positions avec celles de l'armée dans les jours ayant précédé l'investiture du nouveau président. Mohammed Morsi a prêté serment le 30 juin et est devenu le premier chef de l'Etat du pays le plus peuplé du monde arabe à ne pas sortir des rangs de la puissante armée, mais en l'absence de Parlement, il n'a pas la capacité de faire adopter des lois. Un coup de poker de la part de Morsi qui pensait avoir le vent en poupe pour prendre le pouvoir législatif au Conseil militaire et de le redonner au Parlement de son propre parti ! Tout au plus, se dit-il dans les milieux initiés du Caire, les militaires pourraient consentir à maintenir dans la prochaine Assemblée les seules candidatures qui n'ont pas été invalidées par la Haute-Cour constitutionnelle, pour couper la poire en deux et éviter l'humiliation au président Morsi. D. B.