La Gendarmerie nationale a rendu public un bilan tragique des accidents de la route pour le 1er semestre 2012 : 12 407 accidents contre 11 119 accidents pour la même période de 2011, soit 1 288 accidents de plus. Ces accidents ont fait 1 659 morts (en augmentation de 54 victimes) et 21 363 blessés. Il suffit de s'imaginer que la route a occasionné 106 morts dans la semaine du 3 au 9 juillet pour mesurer l'étendue de la catastrophe. Pourtant, tout a été dit sur les causes du fléau : sur l'état des routes, le déficit de signalisation, l'inadéquation des modalités de délivrance du permis de conduire, l'incivisme de l'Algérien, le dilettantisme des responsables de la sécurité. Pourtant, c'est l'Etat qui nous a infligé, à nous et à lui-même, que la discipline routière est une question de volonté publique : plus aucun automobiliste ne songe à conduire sans ceinture de sécurité et très peu prennent encore le risque de se mettre au volant en état d'ivresse. Pourquoi ce même chauffeur discipliné méprise la limitation de vitesse, l'interdiction de dépasser par la droite, la priorité à droite dans le croisement et ignore la priorité à gauche dans les ronds-points ? Parce que, dans la répression des délits de la route, il y a une hiérarchisation de fait des fautes pardonnables et de celles qui ne le sont pas ! Mais au-delà du problème du respect du code de la route, il apparaît que l'anarchie qui caractérise la route renvoie aussi bien à la question civique qu'à celle de la circulation routière dans son aspect global. Dans un récent article, un confrère s'émouvait de l'étrange silence des pouvoirs publics devant l'hécatombe. Il faut observer, ici, que, depuis le 10 mai, les pouvoirs publics ont perdu la voix, s'agissant des questions de circulation. Ils estiment qu'ils peuvent se passer de ministre à plein temps, pour les transports et pour cinq autres secteurs, durant deux mois et plus. On ne peut pas demander à un ministre intérimaire de ramener la sécurité sur les routes, alors qu'il n'a pas pu le faire là où il avait tout le temps de le faire : dans les stades. Interrogé par la Chaîne III de la Radio unique, le sociologue Safar Zitoun explique que le désastre routier vient du fait que “les Algériens conduisent comme ils se conduisent". Ils ont intégré le principe, d'essence politique, du “tag aâla men tag", une espèce de loi du plus fort qui veut tout, le principe est de passer avant les autres. Pas besoin d'avoir droit à cette priorité, si on a les moyens de se l'octroyer. Et à y réfléchir, le système politique, qui a fait sienne cette règle, a fini par la démocratiser. À y réfléchir, elle règne partout, dans tous les domaines et à tous les niveaux, allant jusqu'à faire de la loi officielle un des instruments par lesquels elle sévit. Il n'est donc pas certain que l'Algérie connaisse un vrai problème de respect de code de la route ; elle a un problème de respect de la loi. M. H. [email protected]