RESUME : Massi et Yamina sont mariés religieusement par un imam. Ce jour-là, Ramdhan découvre que Massi est petit-fils de harki. Il décide d'en parler à Yamina. Celle-ci, toute à son bonheur, n'en a cure. La guerre, les conflits et les choix appartenant aux autres ne pourront pas gâcher son mariage. Quelques semaines après, ils partent à Alger. Yamina est toute bouleversée en retournant dans la maison qui l'a vue grandir et partir comme une voleuse... - Vous m'attendez ici ? demande-t-elle à Massi et à Ramdhan. Je ne tarderai pas, promet-elle en leur remettant la clef de sa chambre. Le taxi qu'ils ont loué à l'aéroport les a déposés dans le vieil hôtel de relais du village. La façade extérieure a été rafraîchie par un coup de peinture. à l'intérieur, tout est propre, même si c'est un hôtel de relais où, en général, les routiers et les rares touristes s'arrêtent le temps de quelques heures ou d'une nuit. Ils sont entrés dans le restaurant. Si Massi et Ramdhan ont pu déjeuner, elle n'a rien pu avaler. Ils n'en sont pas encore au dessert quand elle s'est levée. Elle est impatiente et nerveuse. Elle redoute l'instant où elle poussera le portail de la cour. Si sa famille décide de la rejeter, elle ne veut pas qu'ils en soient témoins. Mais si tout se passe bien, elle reviendra les chercher... - Je ne tarderai pas, dit-elle encore. Mais si c'est le cas, vous demanderez après la maison de Dahmane, le roux... c'est comme ça qu'on l'appelait ici ! - Tu as ton portable ? lui demande Massi. - Oui mais je l'ai bloqué ! Je reviens tout à l'heure... Pas besoin de téléphone aujourd'hui, dit-elle. C'est à cinq minutes d'ici... - Inch Allah tout se passera bien ! Yamina s'efforce de sourire tout en prenant son sac à main. Elle sort de l'hôtel et se dirige vers les ruelles qu'elle a tant de fois traversées. Elle sourit à deux vieilles voisines, mais elle ne s'arrête pas pour les embrasser. Elle pense à le faire une autre fois. Là, elle est pressée d'arriver. Son cœur cogne très fort dans sa poitrine. Quand elle arrive devant le portail, elle regarde autour d'elle avant de le pousser. Le jardin où elle avait l'habitude de jouer, avec sa sœur, est complètement abandonné. Les mauvaises herbes ont envahi les fleurs, les pieds des arbres fruitiers et même la petite allée. - Y a-t-il quelqu'un ? crie-t-elle tout en se dirigeant vers l'entrée où elle frappe doucement, comme pour ne pas les effrayer. Maman ? Maman ? Elle frappe encore mais plus fort. Même si on ne lui répond pas, elle a entendu des bruits de pas. Une jeune femme ouvre d'un coup. - Massa el kheir, dit Yamina. - Kheir, répond la jeune femme. Vous devez être la nouvelle kinésithérapeute ? Entrez, je ne vous attendais pas avant quatorze heures ! ajoute-t-elle sans lui donner le temps de répondre. Yamina entre et elle a le cœur serré en découvrant que tout était comme avant son départ. Rien n'a été modifié. Aucun changement. - Tout est resté comme avant, murmure-t-elle avant d'apercevoir une photo d'elle et de sa sœur agrandie et accrochée au fond du salon. - Vous êtes déjà venue ici ? demande la jeune femme. - Oui, il y a longtemps... Où est... - Khalti Fathma est dans la chambre ! Yamina remarque que la jeune femme la précède dans sa chambre. Elle la suit dans le couloir. - Ce n'est pas par... Mais elle n'a pas le temps de finir sa phrase. La jeune femme ouvre lentement la porte et parle doucement. - Khalti Fathma, la nouvelle kinésithérapeute est arrivée... En s'effaçant pour la laisser entrer, Yamina a le cœur qui rate un battement avant de reprendre de plus belle, au point où elle a mal. - Maman, sanglote-t-elle. Maman... Elle tombe au pied du lit et saisit sa main. Sa mère, sa pauvre mère est méconnaissable. Elle n'a plus que la peau sur les os. Elle a le visage tout ridé, ses yeux brillants sont entrés dans leurs orbites. Ces cheveux qui dépassent du fichu qu'elle porte sont blancs. Et sa main, quand elle la prend, elle la trouve fine, si fine qu'en passant les doigts dessus, elle sent les veines. Yamina la baise doucement, la gardant contre sa joue, la mouillant de ses larmes. - Maman... Fathma bat des paupières. Elle bouge doucement la main, comme pour la caresser. La jeune femme qui l'avait menée à elle, s'écrie, surprise. - Khalti, vous avez bougé la main ! Mon Dieu, c'est un miracle ! Je vais appeler votre fille Nora ! Alors qu'elle s'empresse de sortir le portable de sa poche, des bruits de pas et des échos de voix la font tourner, pour voir qui est entré. - Qu'est-ce qui se passe ici ? Qui est cette femme ? - La kiné... Yamina a reconnu la voix de sa sœur. Quand elle se lève et se tourne vers elle, celle-ci ne la reconnaît pas... (À suivre) A. K. Vos réactions et vos témoignages sont les bienvenus : [email protected]