Avec plus de 6000 naissances par an, la maternité Sbihi-Tassadit de de Tizi Ouzou est devenue le lieu “effrayant" pour mettre au monde son enfant. Les témoignages recueillis auprès des parturientes évoquent des conditions d'accueil lamentables et des nuits “cauchemardesques". Face au manque de gynécologues dans les hôpitaux limitrophes, la maternité Sbihi-Tassadit, accueille des femmes venues de presque la totalité des daïras de la wilaya de Tizi Ouzou, et même des wilayas voisines, où selon toute apparence le manque de gynécologues est à l'ordre du jour. Une affluence qui engorge cette maternité, rendant le service peut reluisant et la prestation indésirable, ce qui contraint beaucoup de malades à fuir le secteur public et s'orienter vers les cliniques privées, qui s'emparent d'un marché juteux. Pour ceux qui n'ont pas les moyens de se permettre les prestations du privé, il faut espérer une place à Sbihi, en attendant et pourquoi pas la construction d'une “grande maternité". Un lit pour deux ! La nuit est vécue comme un interminable moment. Face au manque de places, deux femmes occupent un lit. Le cas de B. S. en dit long. “J'ai accouché vers 2h, et je me retrouve avec une autre femme dans le même lit. J'aurais bien voulu me reposer après des douleurs qui ont duré plusieurs heures, mais ce n'était pas le cas", témoigne-t-elle. “Une femme a accouché dans le couloir, car le personnel n'avait pas entendu ses appels", ajoute B. S. Au matin, B. S. se retrouve sans lit pour se reposer, contrainte de le céder à d'autres femmes. Elle est depuis la matinée debout, cherchant un coin où s'asseoir. “On n'avait même pas droit à une bouteille d'eau", conclut-elle. Juste à l'entrée de cet établissement, avant l'heure des visites, nous avons pu recueillir des témoignages émouvants, des cris de détresse émanant de femmes qui souffraient à huis clos, elles évoquent toutes les mauvaises conditions, face à un personnel dépassé. S. L., une autre femme en phase d'accouchement, était contrainte d'attendre de 6h30 à 13h pour enfin être accueillie dans cet établissement. D'autres malades sont orientés vers des cliniques privées face à la gravité de leur cas et en l'absence de places. Lorsqu'un balai passe avant la vie d'un nourrisson ! A. K. est diabétique. Elle est admise depuis la veille. Depuis, elle vit le calvaire, témoigne son mari. “Ma femme est diabétique. Non seulement elle ne trouve personne pour l'aider à s'injecter sa dose quotidienne d'insuline, elle retrouve la seringue tombée par terre, alors que celle-ci était dans le frigo. Un objet médical qui pourtant doit être stérile." Depuis la matinée, A. K. n'arrête pas d'appeler son mari pour lui réclamer une bouteille d'eau, car, dira-t-elle, c'est aux malades de se débrouiller pour avoir de l'eau, et dire qu'on est en été. A. T., un parent qui est venu rendre visite à sa sœur, raconte. Il s'est présenté à la maternité Sbihi-Tassadit de Tizi Ouzou et demande à la réceptionniste de transmettre une boîte de lait pour bébé à la mère d'un nouveau-né, celle-ci ne pouvant pas allaiter son fils. “On me demanda d'attendre que la femme de ménage termine de balayer, pour que cette dernière puisse transmette la denrée !", témoigne-t-il, et d'ajouter : “Cela entre-t-il dans les prérogatives de la femme de ménage ?" Pour rappel, l'année passée, le ministre de la Santé s'est déplacé en urgence sur place, suite à une alerte faisant état d'infections nosocomiales dont auraient été victimes des bébés dans cette même clinique. “Expliquant l'urgence de la situation et vu ses propos, le balai serait plus important que la vie d'un enfant. Et à cette employée de me répliquer : oui, le balai vaut plus que la vie de votre enfant", explique A. T, choqué par les propos jugés “scandaleux", de cette préposée au guichet. Marqué par une forte affluence, cet établissement spécialisé ne devrait-il pas bénéficier de moyens adéquats afin d'améliorer la qualité du service ? Le ministère de la Santé est interpellé à plus d'un titre afin de mettre fin au calvaire de ces femmes. Nous avons essayé de joindre le directeur de cet établissement, en vain... KT