Le feu ravage le peu de forêts qui restent. Les pompiers font plus qu'ils peuvent pour atténuer l'effet des incendies. Deux d'entre eux y ont laissé leur vie. Mais il n'y a pas que le feu qui ravage la forêt. À Yakouren, les tâcherons et les autoconstructeurs fauchent les cèdres pour fabriquer les pieds-droits et les commerçants saisonniers ont fait de cette forêt leur décharge, perturbant criminellement l'habitat et le mode alimentaire du singe magot. À Zemmouri, la forêt historique est attaquée de toutes parts ; à l'est, par des “colons" qui squattent les surfaces libérées par le déboisement sécuritaire de la lutte antiterroriste, et à l'ouest, par l'avancée dévastatrice des “campings" en dur et... la promotion immobilière. Sans compter l'espace déboisé, construire un grand champ de course équestre avant de découvrir qu'à cette distance, on peut attirer les chevaux mais pas les turfistes. Ailleurs, des centaines d'hectares de maquis ont été défrichés pour l'opération “valorisation des... terres agricoles". Celui qui, un jour, a choisi de mettre la forêt sous tutelle du ministère de l'Agriculture, a décidé de son massacre. L'agriculteur cherche à augmenter sa surface agraire dite utile, défriche et appelle cela de l'aménagement de périmètres cultivables. La facilité de la conversion des surfaces boisées en terrains constructibles ou cultivables est ahurissante pour un pays qui se prévaut de discours écologiques, voire “durabilistes". Au même moment, le ministère de l'Environnement n'a pas de prérogative de protection des forêts ! Les feux de forêt constituent la face la plus spectaculaire et la plus émouvante de l'agression permanente et multiforme que subit la nature, en général, et la forêt, en particulier. Et le directeur de l'organisation et de la coordination des secours de la Protection civile a raison de dénoncer l'incivisme des citoyens qui est à l'origine de catastrophes. Cet incivisme n'est plus à démontrer : il se constate partout dans les espaces sociaux. Et jusque dans les institutions. D'ailleurs, le directeur aurait dû répondre à cette question sur les incendies “sécuritaires" autrement que par un troublant “je ne crois pas". Il ne s'agit pas d'intime conviction, mais d'un devoir de savoir s'agissant d'un domaine où sa responsabilité est engagée, comme il sait pour l'incivisme des citoyens. Si l'Etat estime que l'impératif de lutte antiterroriste appelle ce complément tactique, il doit l'assumer. Il faut dire que le pouvoir, malgré son discours, et, parfois, ses règlements, sur la protection de l'environnement, est le premier destructeur de la nature. Il n'a pas protégé le parc d'El-Kala contre l'agression programmée de l'autoroute, ni la zone humide de Skikda contre les “aménagements" sauvages de parcelles agricoles ; il continue à suspendre l'article de la loi sur l'eau qui interdit l'exploitation de sablières dans les lits d'oued et sur les plages et à ignorer la législation qui protège le littoral contre les criminels pollueurs, les voraces promoteurs et les insatiables accapareurs, y compris sur la côte ouest d'Alger autour des résidences d'Etat. S'il y avait une réelle volonté de sauvegarder la forêt ou — rêvons ! — de la développer, cela se verrait à une réelle politique de la forêt portée par une vraie autorité de la forêt. M. H. [email protected]