Malgré l'existence d'un cadre juridique, pour le moins qu'on puisse dire, draconien en matière de promotion immobilière à travers notamment le décret législatif n° 93-03 du 1er mars 1993 relatif à l'activité immobilière, de nombreux citoyens crédules continuent de se faire arnaquer par des opérateurs douteux et parfois des charlatans qui ne reculent devant rien pour brasser des milliards. Et c'est dans cette fameuse formule vente sur plan et celle de la promotion immobilière que les citoyens empressés d'acquérir un logement se font toujours avoir. Les exemples sont légion. Du faux programme LSP à la vente sur plan fictive en passant par la promotion immobilière imaginaire. Tout y passe. Des personnes avides de gain facile ou encore des escrocs profitent de la complicité et du silence de certains fonctionnaires exerçants dans les administrations et de l'anarchie qui règne dans l'immobilier pour s'enrichir en si peu de temps et cela sur le dos des citoyens. C'est le cas de ces citoyens de Reghaïa et de Boumerdès qui se sont vus proposer l'achat d'un logement à Haouch El-Bey dans la commune de Boumerdès suivant une nouvelle formule dite “clos et couvert". Le comble est que dans le contrat de quatre pages proposé à la signature aux acquéreurs, le promoteur, qui dit posséder un permis de construire, se fait appeler “le fournisseur". À la lecture de ce contrat plus que douteux, et dont nous détenons une copie, rien n'indique que ce “fournisseur" ait la moindre relation avec le domaine de la construction encore moins avec l'architecture. C'est dire que le logement n'échappe pas à “l'informel" ni à la spéculation qui sévit dans les affaires du commerce et de la promotion immobilière dans plusieurs wilayas du pays. À Thénia, c'est une Sarl qui n'a rien à voir avec le domaine de la construction qui propose des logements selon la formule vente sur plan aux citoyens. À Boudouaou, c'est un simple artisan qui prétend posséder un programme de logements LSP qui a réussi à soutirer de l'argent à de nombreux citoyens après leur avoir fait miroiter des logements suivant vente sur plan à Boudouaou El-Bahri. Cette information nous a été confirmée par le maire de Boudouaou El-Bahri qui affirme avoir reçu dans son bureau trois personnes ayant versé la somme de 1 million de DA chacune dans le compte de ce promoteur alors que ce programme n'existe pas dans cette localité. Encore à Boumerdès, c'est un simple commerçant en quincaillerie qui a réussi à monter une promotion immobilière en obtenant un permis de construire d'une villa avec jardin sur une surface de 400 m2 et qu'il a transformée en un bâtiment composé de 20 logement tous vendus sur plan. À la cité Foes et Gana de Boumerdès, deux autres personnes ont utilisé le même stratagème en transformant leurs villas en bâtiment de plusieurs logement vendus également sur plan et cela en infraction avec le permis de construire qui leur a été délivré. L'absence de contrôle encourage les escrocs à agir En l'absence de contrôle des services d'urbanisme et de l'APC et l'indifférence de certains responsables, ces pseudo-promoteurs continuent d'acheter d'autres terrains pour renouveler la même opération à un autre endroit en ne tenant compte d'aucune disposition de la loi 90-29 du 1er décembre 1990 relative à l'urbanisme. Ainsi un terrain de 400 ou 600 m2 exploité sans tenir compte du coefficient du sol pourra générer un bénéfice minimum net de 10 milliards à son propriétaire tout en causant d'énormes préjudices aux services de l'Etat mais aussi aux citoyens, affirment des urbanistes dont certains se disent outrés par le laxisme des pouvoirs publics face à ce nouveau phénomène. L'autre trouvaille de ces nouveaux promoteurs consiste à projeter la construction d'un bâtiment de plusieurs appartements initialement destinés pour la famille et les enfants mais qui seront proposés à la vente à des citoyens dans un cadre promotionnel sans aucune garantie pour les acquéreurs. Les exemples de ce type de formule sont légion notamment dans les wilayas de Boumerdès et d'Alger. Autre artifice adopté par les arnaqueurs, la vente d'appartement sous forme de coopératives immobilières. Bien que cette formule de coopérative ait été suspendue en 2009, certains “promoteurs" arrivent toujours à contourner la loi en achetant d'anciennes coopératives dotées de statuts réglementaires et qu'ils finissent à adapter à ce type de formule “vente sur plan" sans rencontrer la moindre difficulté. Les victimes de ces arnaques ne sont pas seulement des analphabètes, mais on compte parmi eux des intellectuels et des cadres. Il arrive souvent que ces personnes se présentent aux services de la direction de l'urbanisme pour requérir des renseignements sur le projet en insistant seulement sur la conformité du permis de construire. “Or, dans le cas de la vente sur plan, l'acquéreur d'un logement acheté sur plan devra exiger de son promoteur une attestation de garantie délivrée par le Fonds de garantie de la promotion immobilière, avant de procéder au versement des premières avances, comme prévu dans l'article 10 du décret législatif 93-03, l'attestation de garantie est obligatoirement annexée au contrat", nous précise le même responsable. On est loin, même très loin de ce qui se passe sur le terrain. Même certains promoteurs immobiliers, pas tous heureusement, qui se disent assermentés, se sont mis eux aussi à spéculer en construisant des bâtiments en hauteur pour rentabiliser au maximum leur investissement sans tenir compte des règles d'urbanisme et cela sous l'œil et au vu des autorités concernées. Résultats : des balcons vue sur mer se retrouvent face à d'autres balcons ou face à un mur en béton comme c'est le cas à la cité Aïn Abdellah de Boumerdès où des habitants ayant acheté des logements avec des balcons ouverts et ensoleillés ont été surpris par la construction d'un autre bâtiment en face du leur et qui n'a jamais été prévu dans le permis de lotir initial. Résultat, leurs logements se sont transformés en cellules de prison. Leurs multiples requêtes pour faire respecter la loi 90-29 n'ont pas abouti. Pourtant, le commun des mortels sait que la distance séparant deux bâtiments doit être égale à leur hauteur. À cela s'ajoute l'absence totale de parkings, d'espaces verts, d'équipements publics et de jeux pour enfants. “Les services de l'Etat et les élus sont totalement absents, c'est ahurissant", affirme un architecte qui cite l'exemple d'autres constructions illicites qui ont gagné même le centre-ville de Boumerdès. Et les victimes ne sont pas seulement les citoyens nous affirme un autre technicien en bâtiment. “Les collectivités locales, la Sonelgaz, l'ADE, tous sont victimes de cette anarchie car la modification d'un plan et le non respect des règles d'urbanisme, notamment du plan d'occupation des sols (POS) va créer un désordre total sur le site car les besoins en eau, en route, en électricité se trouvent déconnectés de la réalité, précise notre interlocuteur". Le wali de Boumerdès décide de s'attaquer à ce fléau L'actuel wali de Boumerdès a décidé de stopper cette anarchie. Récemment, il a réuni les services concernés pour leur exiger un programme de lutte contre ce type de construction. Mais la tâche s'avère difficile et complexe. Par ailleurs, on a appris de sources bien informées que les réserves émises parfois par les services techniques de l'hydraulique, de la DTP, de l'environnement, de la protection civile lorsqu'il s'agit de promotion immobilière sont rarement tenus et respectés. C'est ce qui explique cette confusion et la naissance de ces nouvelles cités hideuses qui poussent un peu partout comme c'est le cas de Foes dans la commune de Boumerdès, ajoutent nos sources. Et ce qui justifie parfois ces coupures d'électricité incessantes et ces pénuries d'eau à cause d'installations et de canalisations devenues du jour au lendemain sous dimensionnées. En plus des cas susnommés aux relents d'arnaque, il existe d'autres exemples de non respect des lois en matière de promotion immobilière et d'urbanisme notamment dans la formule dite LSP. C'est le cas du projet des 130 logements de Hamadi où les acquéreurs attendent depuis un an la livraison de leurs logements qui n'ont pas encore atteint le taux de 60 pour cent des travaux. “Nous avons versé jusqu'ici plus de 135 millions chacun et nous avons respecté tous nos engagement envers le promoteur mais à ce jour nous ne voyons rien venir alors que le projet a démarré en 2006", dénoncent ces souscripteurs dans une lettre adressée aux autorités. Des cas semblables existent par centaines sur le territoire national car de telles situations ne sont pas propres à l'ancienne ville du Rocher noir mais d'autres wilayas souffrent de ce problème y compris la capitale. À Annaba et Tizi Ouzou certaines affaires liées à des promotions immobilières ont fini devant les tribunaux. C'est le cas à Annaba où plus de 50 souscripteurs qui avaient versé 700 000 DA chacun (soit un montant global de 3 milliards de centimes) à un promoteur immobilier de la ville qui n'avait en fait même pas de terrain. À Tizi Ouzou, c'est un autre promoteur qui a été condamné récemment par le tribunal pour n'avoir pas tenu ses engagements envers une quarantaine de souscripteurs d'un programme LSP.