Cette étudiante en anthropologie à l'université Wake Forest à Winston Salem (Caroline du nord, USA) est aussi journaliste photographe pour le magazine musique radio Wake The Zine. Elle est de père algérien et de mère iranienne. Intriguée par les tatouages faciaux de sa grand-mère paternelle (Chemora à Batna), elle revient au pays, afin de réaliser des recherches sur le sens de ces figures que porte son aïeule. Elle passe plus de deux mois dans les Aurès, à la recherche de spécimens et motifs de cette écriture oubliée. Liberté : Qui est Yasmin Bendaas ? Yasmin Bendaas : Bonne question (sourire), je suis Algéro-iranienne, mon père est originaire des Aurès. Je fais des études universitaires en anthropologie à l'université Wake Forest dans ma ville natale en Caroline du Nord et j'obtiendrai mon diplôme en 2013. Aussi, la même année, je recevrai un deuxième diplôme en journalisme dans la spécialité étude du Moyen-Orient et Asie du Sud. Bien sûr, je ne passe pas tout mon temps à étudier, j'aime bien la bonne nourriture, les blagues et le foot (rire). Pourquoi le choix du tatouage et plus particulièrement dans les Aurès ? C'est un choix aussi bien sentimental que personnel. Au début, je devais faire cette recherche et étude sur les tatouages en Nouvelle-Zélande. Mais j'ai vite changé d'avis, pour la simple raison que, dans ma famille (celle de mon père), ma grand-mère et quelques tantes le portent encore. Cela m'a surtout permis de renouer avec mes grands-parents, les écouter et renouer avec mes racines et savoir qui je suis. Je peux vous dire que j'ai appris beaucoup de choses en étant en contact avec des personnes simples, modestes et spontanées. J'ai pu recoller pas mal de morceaux du puzzle au sujet de l'étude anthropologique des tatouages chez les Chaouia. J'ai palpé la relation et l'apport des tatouages dans l'identité, même d'une manière symbolique, j'ai aussi réalisé que même si j'étais à moitié algérienne je savais peu de chose sur cette facette dans la culture des Aurès. C'est très important pour moi, sur le point personnel et scientifique. Maintenant, je sais que je peux décoder cette culture d'une manière scientifique grâce aux études journalistiques et anthropologiques. Qui a financé votre projet d'étude ? Toute l'étude avec ses charges a été financée par mon université et une bourse d'étude du centre Pulitzer basé à Washington, je suis reconnaissante aux deux institutions. Car sans leur apport je n'aurais jamais pu faire cette étude. Est-ce que vous êtes satisfaite de votre recherche et de votre étude ? Les deux mois passés en Algérie m'ont apporté plus que je n'espérais et que je ne souhaitais. J'ai mené vingt entrevues complètes avec des femmes tatouées âgées entre 70 et 90 ans. Durant ces recherches, j'ai pu relever des défis et faire face à certaines difficultés. Mais grâce à l'aide ma famille et de certains amis, j'ai obtenu un très bon résultat. J'ai aussi tiré satisfaction d'être parmi les miens et très heureuse de les retrouver. Vous êtes polyglotte (anglais, persan, espagnol...), c'est pour quand l'apprentissage de la langue berbère ? C'est vrai, il y a eu une barrière linguistique, mes études en arabe classique ne m'ont pas beaucoup aidée en zone berbérophone. Fort heureusement, tous les membres de la famille de mon père sont berbérophones, ils m'ont beaucoup aidée, mais je compte m'y mettre et j'ai de grands efforts à faire. Le bilan de ce voyage ? Mon travail me ressemble, oui comme je vous le disais, j'ai un père algérien et une mère iranienne, je vis aux états-Unis où souvent on me demande des renseignements sur mes origines. Je suis un peu fragmentée. Durant ma recherche sur le tatouage, j'ai eu l'impression de me chercher, je gère bien cette situation et j'aime ce brassage. J'ai trouvé aussi des ressemblances entre les tatouages des Chaouis et ceux de l'Irak et c'est extraordinaire. Certains tatouages ressemblent à des toiles d'artistes comme ceux du peintre Hakar. Cependant, je suis un peu triste de voir cette pratique disparaître, je suis venue pour appliquer ce que l'anthropologie m'a appris et j'ai enfin su que les cultures ne sont pas inertes, bien au contraire, elles bougent, vivent et résistent au temps. Par contre, la documentation fait défaut et elle est presque introuvable, hormis quelques anciens manuscrits. Bien sûr, je ne peux pas et je ne dois pas oublier votre apport et votre disponibilité grâce à l'article dans le quotidien Liberte “Le tatouage : écriture oubliée". R. H.