Coup de tonnerre dans le paysage politique marocain. L'élection d'un nouveau secrétaire général de l'Istiqlal, deuxième force de la coalition gouvernementale, est vécue comme un événement majeur de la vie politique locale. Ainsi, le doyen des partis marocains vient d'élire à sa tête Hamid Chabat, un syndicaliste très populaire dans la classe ouvrière marocaine. Chabat qui est également le député-maire de Fès succède à l'ancien Premier ministre Abbas El-Fassi, qui occupait ce poste depuis 1998. Âgé de 53 ans, Chabat a été choisi par les militants au détriment de son rival Abdelouahed El-Fassi, fils d'Allal El-Fassi, le fondateur du parti, et l'un des leaders historiques du mouvement nationaliste marocain fondé en 1944 à l'époque du protectorat français. D'aucuns considèrent qu'il s'agit là, véritablement d'une “révolution" dans le Royaume. Si l'on en croit le journal Al Massae, Chabat aurait déjà annoncé la couleur. Il aurait déclaré dès son installation au siège du parti : “Je suis maintenant à l'intérieur de Bab El-Azizia", une allusion à la débâcle de la famille Kadhafi qu'il assimile, sans ambages, aux Fassi accusés au Maroc de dominer, depuis l'indépendance du pays, la haute administration et le milieu des affaires. Chabat aura donc réussi à déloger la famille El-Fassi de son bastion naturel, l'Istiqlal. Son élection qui coïncide avec le “départ forcé" de cette dynastie soulève actuellement au Maroc de nombreuses interrogations. Cette “rupture" pourrait très bien, en effet, bouleverser l'équilibre déjà précaire de la coalition gouvernementale. Un des enjeux immédiats de ce changement réside notamment dans un remaniement qui verrait le départ des ministres proches de la famille El-Fassi. “À l'image de tout le gouvernement, le rendement de nos ministres est faible (...)", considère d'emblée Chabat qui ne mâche jamais ses mots. Il faut dire qu'avec l'arrivée du “sang neuf" à la direction du plus vieux parti du pays, beaucoup craignent une purge à différents niveaux. Le nouveau patron de l'Istiqlal affûte petit à petit ses arguments. Il estime que les portefeuilles ministériels obtenus par son parti, l'Istiqlal (un mot magique et pas seulement au Maroc), ne reflètent pas son véritable poids sur la scène politique marocaine ni même le nombre de sièges remportés lors des dernières élections législatives. Chabat a enfin annoncé sa ferme intention de renégocier un remaniement ministériel “global", exigeant que son parti obtienne un plus grand nombre de maroquins. Dans les rangs de la majorité, l'inquiétude est très perceptible. Chabat n'a pas la langue dans sa poche ni la même conception qu'Abbas El-Fassi de la gestion des affaires du parti et de la cohabitation avec les islamistes. Il a affiché, à plusieurs reprises, et publiquement, son opposition à l'action gouvernementale, particulièrement pour le volet social. Il reproche globalement aux islamistes du PJD leur mode de gestion de la chose publique. Bref, l'arrivée de Chabat n'arrange pas les affaires du gouvernement Benkirane en proie à un grand “chahut" sur le front intérieur. Intervenant à l'ouverture du congrès régional du PJD à Oujda, Benkirane s'en est pris aux “fauteurs de troubles" qui, selon lui, prêteraient à Hamid Chabat l'intention de renverser son gouvernement. Harcelés de toutes parts, les islamistes du PJD ne savent plus où donner de la tête. C'est le désarroi. Parmi les nombreux déçus du gouvernement Benkirane, il y a les diplômés-chômeurs qui “pourchassent" à présent les ministres du PJD partout à travers les régions du royaume pour leur rappeler leurs promesses électorales (non tenues) et leur revendiquer un emploi. Dix mois après son avènement, le bilan du gouvernement Benkirane est sévèrement critiqué aussi bien à droite qu'à gauche. M-C L