Dans le cadre du Festival national du théâtre comique de Médéa, une journée d'étude a réuni des spécialistes qui ont réfléchi sur le rire comme une manière efficace de lutte pour la libération de l'Algérie. Le rire a aussi joué un grand rôle dans le processus de prise de conscience des Algériens sur leur condition de colonisés et dans leur mobilisation pour l'indépendance. L'action armée pour mettre fin à l'ordre colonial est considérée comme un aboutissement des autres formes de résistance dont, entre autres, l'usage du théâtre comique et du rire. C'est à la problématique du rôle du rire dans la critique et comme moyen de résistance contre le colonialisme qu'ont été consacrées les interventions prévues dans le cadre des journées d'étude qui se sont déroulées en présence de spécialistes, d'hommes de théâtre et de membres de la troupe du FLN historique. Le docteur Tlilani Ahcène de l'université de Skikda, pour qui le thème des journées a une grande importance, a considéré que “c'est une opportunité qui s'offre pour s'interroger, 50 ans après l'indépendance, sur le rôle du théâtre comique et du rire dans la résistance et la lutte pour le recouvrement de la liberté". “Car, dira-t-il, le rire comme arme pendant la colonisation s'est emparé de sujets traitant de la misère, de l'injustice et du chômage des autochtones, et a permis de soulever les questions de la moralité et de l'imposture des gens." Pour le chercheur, le rire s'est beaucoup servi de la langue populaire qui véhicule l'identité de la population algérienne. “Les histoires racontées dans les pièces font référence au patrimoine historique, linguistique et culturel de l'Algérie, ainsi que l'appartenance des autochtones à l'aire arabe." À propos du rôle joué par le théâtre comique dans la prise de conscience des Algériens et dans la réforme de la société pour corriger ses torts, il citera en exemple les pièces, Fakou de Rachid Ksentini, Tu goules ou tu ne goules pas de Hassan El Hassani. Ces pièces sont des illustrations du message politique en direction des Algériens. D'ailleurs, la pièce de Hassan El-Hassani est un exemple de cette forme de théâtre de résistance qui dénonce un système dominant bâti sur l'injustice. Le comédien a utilisé des éléments de l'identité algérienne de l'époque comme source d'inspiration de par sa tenue, son parler et ses postures. Interrogé sur le thème des journées et sur le rire dans la lutte contre le système colonial, Habib Boukhelifa, professeur à l'Ismas de Bordj El-Kiffan, situera la situation du théâtre comique sous la colonisation par un rappel sur ses prémices. Selon le spécialiste, les jalons de la première expérience de trois éléments de l'acte théâtral que sont le public, le comédien et l'espace, a été conçue vers 1926 par feu Sellali Ali dit Allalou. C'est à lui que revient le mérite de combiner ces trois éléments, car, avant, il n'y avait que des sketchs qui étaient improvisés pour meubler les entractes dans les concerts musicaux des associations musicales Mouhadhria et El Moutribia. En outre, Mahieddine Bachtarzi a aussi fait des quelques tentatives entre 1920 et 1925, obtenant quelques avancées dans le domaine de la présentation du spectacle théâtral. La mise en dérision de la force brutale du colonialisme remonte à l'année 1927 avec la pièce intitulée Fakou. Cette une création met en cause le colonialisme. Il y a aussi le spectacle Antar Hechaïchi, écrit la même année avec un langage emprunté à la culture locale et qui met en cause le colonialisme également. Toutes ces pièces comportaient des messages de revendication de l'identité algérienne mais exprimée d'une manière indirecte, en portant la contestation de l'ordre colonial à travers des situations liées à la moralisation de la vie sociale. M. E B