Il suffisait d'ajouter à son dossier, qui compte une résidence falsifiée, une enveloppe de 35 000 DA, que les 10 acolytes se partagent, pour se voir délivrer un permis de conduire à la daïra de Sour El-Ghozlane et le renouveler par la suite à Alger. Se faire délivrer son permis de conduire sans peine aucune et sans passer par les différents examens que prévoit la réglementation moyennant une somme d'argent ou via une connaissance est un secret de Polichinelle. Mais quand on découvre que des centaines de “conducteurs" ont eu recours à ce stratagème et circulent sans se soucier des risques et des dangers, on comprend aisément pourquoi le facteur humain est la première cause de l'hécatombe sur nos routes. Plus grave encore, quand on sait qu'un véritable réseau spécialisé dans le trafic de faux permis de conduire se plaisait dans cette mission dramatique de “mettre en circulation" des centaines de chauffards sans foi ni loi. Heureusement que la Police judiciaire a réussi à mettre hors d'état de nuire les 10 membres de ce réseau qui ont comparu devant le tribunal d'Hussein-Dey, le 10 octobre dernier, pour répondre de divers chefs d'inculpation, dont la falsification de documents administratifs et de sceaux officiels. Le verdict a été rendu jeudi dernier. Des peines de 1 à 6 ans de prison ferme ont été prononcées à l'encontre des 10 membres du réseau dont les ramifications ont atteint tout le territoire national. En effet, 14 communes de la wilaya d'Alger et pas moins de 27 wilayas du pays sans oublier la daïra de Sour El-Ghozlane, qui s'est d'ailleurs constituée partie civile, ont été victimes de ce réseau dirigé par le chef de service permis de conduire de la daïra de Sour El-Ghozlane. Ce dernier a usé et abusé de son poste pour quelque 12 000 DA le permis. Il suffisait pour toute personne voulant se procurer un permis de conduire, sans subir les différentes épreuves, de joindre à un dossier, dont la plupart des documents sont falsifiés, la modique somme de 35 000 DA, les frais de transport via un chauffeur de bus interwilayas compris. Les dessous de l'affaire ! Tout a commencé au début du mois de janvier 2012 “lorsqu'une source a informé les services de la Police judiciaire des agissements d'une personne qui joue l'intermédiaire en vue de procurer, notamment à des Algérois, un permis de conduire sans passer les examens". T. S., habitant à Jolie-Vue, sera arrêté et une enquête sera ouverte. Lors de son interrogatoire, l'accusé reconnaîtra que sa mission consistait à introduire et orienter toute personne en quête d'un permis de conduire, sans passer par un quelconque examen, et remettait et les dossiers et la somme d'argent à un certain Nacer. L'identité de ce dernier sera connue le jour même. Il s'agit de N. M., la quarantaine, habitant un bidonville à Aïn Naâdja où deux dossiers ont été trouvés lors de la perquisition. Il révélera à son tour que son rôle consiste à transmettre le dossier à une troisième personne, M. R. (un chauffeur de 26 ans habitant à Gué-de-Constantine) moyennant une somme d'argent. Lors de son interpellation et la fouille, les policiers trouveront en sa possession une carte militaire falsifiée. Il reconnaîtra être en contact ave un certain Sofiane, chef de service à la daïra de Sour El-Ghozlane. Et comme le hasard fait bien les choses, il reçoit un coup de téléphone d'un autre complice, N. A., qui n'est autre que le frère de N. M. d'Aïn Naâdja, et ce, pendant l'interrogatoire. Arrêté, il reconnaîtra avoir remis à N. M. pas moins de 60 dossiers pour des permis falsifiés, outre les autres dossiers que d'autres acolytes se procuraient. Les investigations aboutiront à l'arrestation de plusieurs personnes dont le fonctionnaire de la daïra de Sour El-Ghozlane ; la perquisition aboutira à la saisie de 490 dossiers, 29 permis de conduire et divers cachets et autres documents administratifs. À son tour, il fera tomber une autre tête du réseau, B. C., en possession de 270 dossiers, 10 permis de conduire, 8 permis de conduire vierges et des sceaux de diverses institutions administratives. Le premier faux permis délivré en... 2008 pour 8 000 DA ! Selon les révélations du chef de service de la daïra de Sour El-Ghozlane, le réseau s'est constitué lorsqu'en 2008 un émigré l'a sollicité pour un passeport. “Nous sommes restés en contact, et un jour, il m'a sollicité pour un permis de conduire." En fait, l'astuce est toute simple : le demandeur, voire l'acheteur du faux permis remettait un dossier ne contenant que son extrait de naissance, carte de groupage et des photos d'identité. Un récépissé de dépôt sera délivré et quelques mois après le fameux permis. Quand, par hasard, les services de la police ou la gendarmerie demandent des renseignements sur un titulaire de faux permis, l'accusé qui détient les cachets et autres sceaux servant à falsifier des résidences, des certificats médicaux, fiche de renseignement d'une auto-école... s'empresse de confectionner un faux dossier de base. La liste des demandeurs s'allongeait de jour en jour, via les connaissances jusqu'au jour où le pot aux roses a été découvert. Le nombre exact de faux permis délivrés n'est toujours pas connu. M B
