François Hollande joue la météo. Son opération au Nord-Mali doit être amorcée au plus tard en mars 2013, avant la saison des pluies. Paris, qui assure ne pas envoyer ses troupes au sol, peaufine son plan d'intervention. La première phase du dispositif doit être lancée dès novembre. L'opération militaire n'est plus, selon le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qu'“une question de semaines". Le Conseil de sécurité de l'ONU a en effet donné au début du mois, 45 jours aux pays d'Afrique de l'Ouest pour proposer un plan concret d'intervention. Poussée par la France, la Cédéao s'active donc à faire partager le plan français par ses membres, un plan que l'Union européenne endossera, selon toujours le ministre de la guerre du président socialiste français. François Hollande a d'ores et déjà présenté à ses pairs de Bruxelles un projet de gestion de crise pour chasser les djihadistes qui occupent le Nord-Mali depuis mars 2012, à la suite du putsch organisé à Bamako contre le président ATT à quelques mois de la fin de son mandat qu'il n'allait pas renouveler. Ce coup d'Etat n'a pas encore livré tous ses secrets mais on retient qu'il a complètement déstabilisé la Sahel saharien, brusquement livré à l'islamisme politique radical mais aussi et surtout à de nombreux appétits étrangers, franco-américains particulièrement. Le ministre de la guerre française est pressé car, si l'opération ne se déroule pas avant le printemps, il faudra attendre une année, les périodes de grande chaleur n'étant pas propice aux manœuvres d'armées conventionnelles. “Il faut pas rater la fenêtre météo", a averti Jean-Yves le Drian. Tout doit être largement engagé avant la fin du mois de mars, date du début de la saison des pluies. Concrètement, selon des fuites à Paris, dans l'entourage de Jean-Yves Le Drian, on planche sur un programme en trois phases. D'abord, stabiliser le sud du Mali et protéger Bamako, dès la fin du mois de novembre. Puis, mettre en place la formation des armées africaines, en janvier pour, enfin, amorcer la reconquête du nord début mars au plus tard. Officiellement, ce sont les armées africaines qui mèneront l'opération, la Cédéao a promis de mettre à la disposition de l'équipée française environ 3 500 hommes. Le subterfuge de la Cédéao et la demande officiellement déposée par les autorités de transition maliennes, de même que la résolution du Conseil de sécurité, c'est pour “protéger" la France. Bien qu'étant désigné comme l'ennemi principal par Aqmi et son alter égal en Afrique de l'Ouest, le Mujao, François Hollande, qui vient de prétendre rompre avec les habitudes passées de la “Françafrique" à Kinshasa devant le sommet de la francophonie, espère en se positionnant dans les coulisses de la guerre au Nord-Mali ne pas se voir reprocher le passé colonial de la France. Les opinions africaines, malienne notamment, ne sont pas dupes : la France socialiste fait semblant de refuser d'être en première ligne, se contentant de se poser en soutien des pays africains qui seront assistés dans la planification et la logistique. François Hollande se cache, par ailleurs, derrière l'Union européenne. Les forces spéciales françaises sont à pied d'œuvre dans la région pour préparer en amont l'intervention, dont le recueil de renseignements pour guider les forces africaines sur place. Des sources proches du dossier ajoutent que ces commandos français pourraient agir plus rapidement encore si les intérêts de la France ou la vie des otages venaient à être menacés. Comme en Libye et en Côte d'Ivoire en 2011, des moyens clandestins sont mis en place pour épauler les forces locales, notamment l'armée malienne, sous-équipée et démoralisée après sa défaite contre les islamistes. Restés jusque-là en retrait sur ce dossier du Sahel, les Etats-Unis ont changé de posture après l'attaque commise contre leur représentation diplomatique à Benghazi, le 11 septembre dernier, qui s'est soldée par la mort de leur ambassadeur. “Le Sahel est devenu un enjeu pour eux. Ils veulent désormais être associés de manière plus étroite à l'intervention", confirme un proche du ministre français de la Défense, lequel s'est longuement entretenu du sujet avec son homologue américain, Leon Panetta. Les Américains, qui ont des drones armés dans la région, n'excluent plus d'intervenir directement au nord du Mali, en menant par exemple des frappes aériennes ciblées. Reste à régler quelques détails de l'opération militaire côté Cédéao. La liste de ses membres qui participeront à l'intervention n'est pas encore finalisée, pas plus que le règlement politique. Or, tous les pays candidats en sont conscients : sans solution diplomatique durable, l'intervention militaire ne sera pas suffisante pour régler le problème des djihadistes dans le Sahel. L'ONU et l'Union africaine ont annoncé, de leur côté, l'ouverture de bureaux permanents à Bamako afin de coordonner leurs actions respectives face à la crise. Mais, à Bamako, la situation politique demeure bloquée à la fois par la confusion sur le partage du pouvoir après le coup d'Etat et par des désaccords internationaux, notamment au sein de la Cédéao, sur le bien-fondé quand ce n'est pas d'un éventuel dialogue avec les islamistes, sur l'emploi de la force. D. B