Benyoucef Benkhedda est décédé le 5 février 2003, à l'âge de 83 ans. Son souhait : être enterré à Sidi-Yahia, comme son ami Saâd Dahlab, et loin des fastes officiels auxquels il a pourtant bien droit, témoigne de cette même démarche qui était la sienne depuis qu'il avait décidé de prendre ses distances avec le pouvoir, tombé en 1963 dans les mains du clan d'Oujda, assis sur les baïonnettes de l'état-major. Figure phare du mouvement national, avec son look “d'intello”, le pharmacien de Blida a tôt fait d'intégrer l'école du militantisme, alors étudiant au lycée d'où sont issues plusieurs figures de la Révolution. Scout, puis militant dans le mouvement étudiant, il rejoint par la suite le PPA, un parti politique qui a inscrit au fronton de sa démarche l'indépendance du pays. À la veille du déclenchement de la Révolution, il se retrouve dans le camp des centralistes qui préfèrent rester à égale distance des messalistes et des partisans de la guerre hic et nunc. C'est grâce à Abane Ramdane, qu'il avait connu au lycée de Blida, que Benkhedda décide de prendre le train de la Révolution dont il ne tardera pas à occuper les premières loges en étant au CCE. Membre du Conseil de la Révolution, il fera partie du triumvirat avec Abane et Ben M'hidi qui supervisera les opérations au sein de la Zone autonome d'Alger. À la formation du GPRA en 1958, il est ministre des Affaires sociales dans le cabinet de Ferhat Abbas auquel il succédera dans le deuxième GPRA. Après les accords d'Evian, qui ont consacré l'indépendance du pays, puis le fameux Congrès de Tripoli, où il eut un accrochage avec Ahmed Ben Bella, porté à bout de bras par Boumediene, il décide de rentrer au pays et de renoncer, dans un sursaut de sagesse et de responsabilité, au pouvoir pour épargner au peuple d'autres épreuves, après sept ans de guerre. En 1976, il rompt le silence en apposant sa signature avec d'autres personnalités de l'opposition, à une déclaration contre le régime de Boumediene. En 1989, nouvelle incursion dans le champ politique de Benkhedda qui crée un parti politique, El-Ouma, qu'il dissoudra deux années après. Contrairement à d'autres leaders de la Révolution, l'ancien président du deuxième GPRA, a continué autrement son combat sur le front de la mémoire. Il a notamment écrit Aux origines de 1er Novembre, un ouvrage dans lequel il fait part de son témoignage quant aux sources de la Révolution et des conflits internes qui l'ont sous-tendu. L'opinion algérienne gardera de lui l'image d'un homme qui a décidé de rompre avec un pouvoir politique hanté par des Raspoutine et des Rastignac. N. S.