Le gouvernement algérien semble s'orienter vers plus de réalisme, tant sur le plan social qu'économique, par le dialogue. Son action sera-t-elle efficace sans s'attaquer au fonctionnement réel de la société ? Comme annoncé lors de la dernière réunion avec le patronat en ce mois de novembre 2012, confronté au terrorisme bureaucratique, produit en Algérie des pratiques de la rente, il s'est engagé à être à l'écoute des préoccupations tant des opérateurs économiques publics que privés. Car, actuellement en 2012, avoir un prêt bancaire, bien que les sur-liquidités des banques ont dépassé en 2011 les 50 milliards de dollars, un terrain viabilisé pour construire une unité ou se faire délivrer le moindre document est devenu un calvaire pour le commun des Algériens, ceci expliquant l'extension de la sphère informelle. Qu'en sera-t-il de la révision du code des marchés publics et du code de l'investissement annoncé et de la règle des 49/51% pour tous les secteurs stratégiques et non stratégiques adoptée au moment de la crise financière mondiale d'octobre 2008 et généralisée paradoxalement dans le nouveau projet d'amendement de la loi sur les hydrocarbures à tous les segments à l'aval ? L'Algérie est en transition depuis 1986, ni une économie étatisée, ni une économie de marché concurrentielle, expliquant les difficultés de régulations à tous les niveaux. Or, nous sommes dans un monde en perpétuel mouvement où chaque pays veut attirer le maximum d'investisseurs, et l'erreur de la mentalité bureaucratique est de croire que l'Algérie vit seule dans un désert. -Une dépense publique colossale sans corrélation avec les impacts Après 50 années d'indépendance politique, l'économie algérienne reste une économie totalement rentière, tertiaire (83% du tissu économique consiste en commerce et petits services selon l'ONS). Plus de 90% du tissu industriel est constitué de PMI/PME organisées sur des structures familiales. On peut démontrer facilement que le taux de croissance officiel hors hydrocarbures de 5/6% a été permis pour 80% par la dépense publique via les hydrocarbures. En 2012, Sonatrach c'est l'Algérie et l'Algérie c'est Sonatrach. La société réalise 98% d'exportation d'hydrocarbures en état brut et semi-brut (gaz et pétrole) et importe 70-75% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées. Sonatrach a engrangé, selon ses bilans financiers de 2000 à juin 2012, 560 milliards de dollars et va vers les 600 milliards de dollars fin 2012. Cela a permis d'augmenter les réserves de change, estimées à 56 milliards de dollars en 2005 à 188 milliards de dollars fin 2011, et à plus de 193 milliards de dollars fin octobre 2012, y compris les réserves en DTS mais sans compter les réserves d'or estimées à 173 tonnes. Cette richesse virtuelle alimente la dépense publique. Pour la période récente de 2000 à 2014, elle est passée de 55 milliards de dollars en 2004 et avait été estimée entre 2004/2009 à 200 milliards de dollars. Mais faute de bilan on ne sait pas si l'intégralité de ce montant a été dépensée. Quant au programme d'investissements publics 2010/2014, le gouvernement a retenu des engagements financiers de l'ordre de 286 milliards de dollars) et concerne deux volets, à savoir le parachèvement des grands projets déjà entamés entre 2004/2009, l'équivalent de 130 milliards de dollars (46%) et l'engagement de projets nouveaux pour un montant de 156 milliards de dollars. Il n'existe pas de proportionnalité entre cette importante dépense publique et les impacts économiques, le taux de croissance 2000/2012 n'ayant pas dépassé en moyenne 3% alors qu'il aurait dû être de plus de 10%. La rente, toujours la rente, avec la hantise de l'épuisement. Le problème du dualisme. Qu'en est-il de la règle des 49/51% ? La règle des 49/51% et la logique économique La règle des 49/51% ne concerne pas seulement Sonatrach mais aussi l'ensemble des autres secteurs. Les lois de finance complémentaires 2009/2010 ont profondément modifié le cadre juridique régissant l'investissement, surtout étranger. Concernant l'encadrement de l'investissement étranger dans les services, BTP et industries, y compris les hydrocarbures, le privé étranger doit avoir au maximum 49% et le local 51%. Lors du Conseil des ministres du 25 août 2010, ces mesures ont été étendues aux banques étrangères, complétant l'ordonnance n°03-11 du 26 août 2003, relative à la monnaie et au crédit. Si ces mesures permettaient de relancer l'outil de production, cela serait une bonne chose, mais dans un environnement concurrentiel, se renforcer par soi-même est une utopie néfaste. En dehors des secteurs stratégiques qu'il s'agit de définir, un segment stratégique aujourd'hui peut ne pas le devenir demain et vice-versa. Au cours de conférences internationales, mes contacts avec bon nombre d'opérateurs étrangers (USA-Europe, Asie, monde arabe notamment) montrent que dans la majorité des cas les investisseurs sérieux sont réticents à venir en Algérie avec cette règle restrictive qui répond plus à de l'idéologie qu'à de la logique économique, préférant le commerce ou des marchés gré à gré via dépense publique. À moins que l'Algérie ne supporte les surcoûts pour des investissements de prestige non rentables économiquement, comme elle a supporté plus de 50 milliards de dollars d'assainissement des entreprises publiques entre 1971 et 2011 dont 70% sont revenues à la case départ. Evitons l'idéologie néfaste, produit de la mentalité rentière, et prenons en compte l'intérêt futur du pays en analysant la dimension économique et sociale réelle. Et l'erreur est d'avoir codifié cette règle dans une loi ne laissant plus de marges de manœuvre aux sphères décisionnelles et créant des polémiques inutiles au niveau international, nuisibles à l'image de l'Algérie. L'Etat algérien étant souverain, une décision du Conseil des ministres aurait suffi pour distinguer les projets où l'on pourrait appliquer la règle des 49/51% des autres projets non stratégiques. Ne serait-il pas souhaitable d'avoir d'autres critères : balance devises excédentaire au profit de l'Algérie, l'apport technologique et managérial et un partage des risques ? Evitons une fausse illusion car la bourse d'Alger qui aurait pu permettre le changement de règles étant en léthargie, comme celle de deux ou trois opérateurs publics et un opérateur étranger et dire que l'on a assoupli la règle du management. C'est que les entreprises publiques ne sont pas autonomes pour leur décision et obéissent à un seul donneur d'ordre, l'Etat, souvent obéissant à une gestion administrative déconnectée des réalités économiques. La solution, si l'on veut maintenir cette règle tout en l'assouplissant est la combinaison opérateurs privés algériens, opérateur privé étranger et un seul opérateur public. En résumé, l'objectif stratégique pour l'Algérie, au moment où, dans moins de 15 ans, l'Algérie sera sans pétrole, et 25 ans sans gaz conventionnel, la population algérienne, 50 millions, est comment réaliser la transition d'une économie de rente à une économie hors hydrocarbures au sein de la mondialisation se fondant sur les entreprises compétitives dans le cadre des valeurs internationales, seul facteur de croissance durable, et leur soubassement, la valorisation des compétences ? Et se pose cette question : en cette ère des grands ensembles, un micro-Etat peut-il résister à la concurrence internationale, et ne faut-il pas pour des économies d'échelle et si l'on veut attirer de véritables firmes s'orienter vers l'intégration du Maghreb, pont entre l'Europe et l'Afrique, continent enjeu du XXIe siècle, étant suicidaire pour chaque pays de faire cavalier seul ? La règle des 49/51% généralisée à tous les secteurs, n'est-elle pas un obstacle majeur aux investisseurs étrangers soucieux de s'implanter à moyen terme et de contribuer à la valeur ajoutée interne, et ce grâce à un partenariat public/privé international, ou privé algérien/privé étranger ? En dehors des hydrocarbures à l'amont, le bilan est bien maigre pour l'Algérie, selon toutes les statistiques internationales. L'expérience chinoise qui réalise une transition maîtrisée vers l'économie de marché concurrentielle doit être méditée, puisqu'en général le monde économique est dominé par l'entreprise privée dans le produit intérieur brut mais avec un rôle essentiel de l'Etat régulateur dont la mission est de concilier les coûts sociaux et les coûts privés. Cela doit impérativement s'appliquer aux nouvelles relations économiques internationales où nous devrions assister, entre 2015/2020, à de profonds bouleversements géostratégiques. Dr A. M *professeur des universités, expert international en management stratégique.