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La règle des 49-51% a pour fondement l'idéologie et non l'efficacité économique
Publié dans La Nouvelle République le 10 - 11 - 2012

Le gouvernement algérien vient de maintenir la règle des 49/51 % pour tous les secteurs stratégiques et non stratégiques, maintenant ainsi le statu quo. L'Algérie, en transition depuis 1986, n'est ni une économie étatisée ni une économie de marché concurrentielle, expliquant les difficultés de régulations économique, sociale et politique.
Nous sommes dans un monde en perpétuel mouvement où chaque pays veut attirer le maximum d'investisseurs et l'erreur de la mentalité bureaucratique est de croire que l'Algérie vit seule dans un désert. Rappelons que cette règle avait été adoptée au moment de la crise financière mondiale d'octobre 2008. Le maintien de cette règle peut-il être un frein aux investisseurs étrangers, même dans les hydrocarbures ? Une économie sous perfusion de la rente On peut démontrer facilement que le taux de croissance officiel hors hydrocarbures de 5/6 % a été permis pour 80 % par la dépense publique via les hydrocarbures. Après 50 années d'indépendance politique, l'économie algérienne est une économie totalement rentière, tertiaire (83 % du tissu économique consiste en commerce et petits services, selon l'ONS). Plus de 90 % du tissu industriel est constitué de PMI/PME organisées sur des structures familiales. On peut démontrer facilement que le taux de croissance officiel hors hydrocarbures de 5/6 % a été permis pour 80 % par la dépense publique via les hydrocarbures. En 2012, Sonatrach c'est l'Algérie et l'Algérie c'est Sonatrach. La société réalise 98 % d'exportation d'hydrocarbures état brut et semi-brut (gaz et pétrole) et importe 70-75% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées. Sonatrach a engrangé 560 milliards de dollars selon ses bilans financiers de 2000 à juin 2012 et va vers les 600 milliards de dollars fin 2012. Cela a permis d'augmenter les réserves de change estimées à 56 milliards de dollars en 2005, à 188 milliards à la fin de 2011 et sans doute 200 milliards à la fin de 2012. Cette richesse virtuelle alimente la dépense publique. Pour la période récente de 2000 à 2014, elle est passée de 55 milliards de dollars en 2004 et a été clôturée entre 2004 et 2009 à 200 milliards de dollars. Mais, faute de bilan, on ne sait pas si l'intégralité de ce montant a été dépensé. Quant au programme d'investissements publics 2010-2014, le gouvernement a retenu des engagements financiers de l'ordre de 286 milliards de dollars et concerne deux volets, à savoir le parachèvement des grands projets déjà entamés entre 2004 et 2009, l'équivalent de 130 milliards de dollars (46 %) et l'engagement de projets nouveaux pour un montant de 156 milliards de dollars. Il n'existe pas de proportionnalité entre cette importante dépense publique et les impacts économiques, le taux de croissance 2000/2011 n'ayant pas dépassé en moyenne 3 % alors qu'il aurait dû être de plus de 10 %. La rente, toujours la rente avec la hantise de l'épuisement. C'est dans ce cadre qu'ont été proposés les amendements de la nouvelle monture. La loi des hydrocarbures attribue à l'entreprise nationale Sonatrach le droit exclusif en matière de transport d'hydrocarbures par canalisations et lui garantit la majorité dans les partenariats aussi bien dans la production que dans la transformation des hydrocarbures. Seule nouveauté de la loi, la modification de la taxation des superprofits au-delà de 30 dollars dans l'actuelle loi qui ne répondait plus à la situation actuelle du marché où le cours dépasse les 90/100 dollars depuis plus de deux années. L'annonce d'un assouplissement fiscal était nécessaire, l'Algérie n'étant pas seule sur le marché mondial face aux importantes mutations énergétiques qui s'annoncent, mais face à des concurrents qui veulent attirer les compagnies. Ces dégrèvements de taxes ne s'appliquant qu'aux nouveaux gisements et non aux exploitations actuelles posent d'ailleurs le problème du dualisme fiscal, potentiellement décourageant pour ceux qui opèrent déjà. Qu'en est-il de la règle des 49/51 % ? La règle des 49/51 % correspond-elle à une logique économique ? Si pour les grands gisements la règle des 49/51 % peut être applicable, cette règle risque de n'attirer que peu d'investisseurs sérieux pour les gisements marginaux. La nouvelle loi des hydrocarbures maintient la règle des 51/49 %. Si pour l'amont gazier et pétrolier pour les grands gisements la règle des 49/51 % peut être applicable, pour les gisements marginaux, cette règle risque de n'attirer que peu d'investisseurs sérieux. La non-soumission des grandes compagnies, l'expérience du retrait de la Chine au niveau de la raffinerie d'Adrar, Sonatrach supportant toute seule dorénavant les surcoûts, doit être méditée. Il ne faut pas non plus s'attendre à un flux d'investissement étranger avec la règle des 49/51 % pour la prospection dans l'offshore et surtout le gaz non conventionnel (réserves prouvées selon le rapport de l'AIE de 2011 : 6.500 milliards mètres cubes gazeux) qui requiert des techniques de pointe à travers le forage horizontal maîtrisé par quelques firmes. D'ailleurs, en Algérie un débat national s'impose du fait des risques de pollution des nappes phréatiques au Sud du pays, un milliard de mètres cubes gazeux nécessitant 1 million de mètres cubes d'eau douce, sans compter la durée courte de la vie de ces gisements, environ 5 années dont 20 % de récupération contre 85 % pour le gaz conventionnel et 600 puits moyens pour un milliard de mètres cubes gazeux et les confits avec des pays riverains se partageant cette nappe dont le Maroc, la Libye et la Tunisie. La règle des 49/51 % pose problème pour l'investissement dans la pétrochimie dont la commercialisation est contrôlée par quelques firmes au niveau mondial. Cette règle juridique de la dominance de Sonatrach dans le capital social est inopérante. Sans risque de me tromper, l'investissement sera limité pour ne pas dire nul avec cette règle. Cette filière nécessite pour sa rentabilité de grandes capacités, sans compter que les pays du Golfe ont déjà amorti les installations, l'Algérie partant avec un handicap de coûts d'amortissement élevés et d'un marché forcément limité. Elle concerne également les énergies renouvelables dont un conseil des ministres en 2011 a prévu un programme qui vise à produire, à l'horizon 2030, 40 % de l'électricité à partir des énergies renouvelables devant se traduire par l'installation d'une puissance de 12.000 mégawatts en solaire et en éolien. Ajouté au prix de cession du kWh, qui couvre à peine les frais de production, expliquant en partie le déficit de Sonelgaz, aucun investisseur étranger ne viendra, rendant caduque la loi sur le gaz et les canalisations. Une idéologie nuisible à l'économie La règle des 49/51 % ne concerne pas seulement Sonatrach mais aussi l'ensemble des autres secteurs. Les lois de finances complémentaires 2009 et 2010 ont profondément modifié le cadre juridique régissant l'investissement, surtout étranger. Concernant l'encadrement de l'investissement étranger dans les services, le BTP et les industries, y compris les hydrocarbures, le privé étranger doit avoir au maximum 49 % et le local 51 %. Lors du Conseil des ministres du 25 août 2010, ces mesures ont été étendues aux banques étrangères complétant l'ordonnance n° 03-11 du 26 août 2003 relative à la monnaie et au crédit. Si ces mesures permettaient de relancer l'outil de production, cela serait une bonne chose mais dans un environnement concurrentiel, se renforcer par soi-même est une utopie néfaste. Au cours de conférences internationales, mes contacts avec bon nombre d'opérateurs étrangers (USA, Europe, Asie, monde arabe notamment) montrent que dans la majorité des cas les investisseurs sérieux sont réticents à venir en Algérie avec cette règle restrictive qui répond plus à de l'idéologie qu'à de la logique économique. A moins que l'Algérie ne supporte les surcoûts pour des investissements de prestige non rentables économiquement, comme elle a supporté plus de 50 milliards de dollars d'assainissement des entreprises publiques entre 1971 et 2011 dont 70 % sont revenues à la case départ. La règle du gouvernement algérien des 49/51 % a pour fondement l'idéologie et non l'efficacité économique. Et l'erreur est d'avoir codifié cette règle dans une loi ne laissant plus de marges de manœuvre et créant des polémiques inutiles au niveau international, nuisibles à l'image de l'Algérie. L'Etat algérien étant souverain, une décision au Conseil des ministres aurait suffi pour distinguer les projets où l'on pourrait appliquer la règle des 49/51 % des autres projets non stratégiques. Ne serait-il pas souhaitable d'avoir d'autres critères : balance devises excédentaire au profit de l'Algérie, apport technologique et managérial et partage des risques ? L'objectif stratégique pour l'Algérie, au moment où, dans moins de 15 ans, elle sera sans pétrole et 25 ans sans gaz conventionnel et comptera une population de 50 millions d'habitants, comment réaliser la transition d'une économie de rente à une économie hors hydrocarbures au sein de la mondialisation ? Or cette règle, selon mon point de vue, généralisée à tous les secteurs est un obstacle majeur aux investisseurs soucieux de s'implanter à moyen terme et de contribuer à la croissance réelle.

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