Cédant à la pression de la rue qui a provoqué l'appel au dialogue de l'armée, le président islamiste égyptien a fini par renoncer au décret lui attribuant des pouvoirs exceptionnels. Mohamed Morsi a accepté samedi soir d'abandonner ses pouvoirs renforcés pour sortir de la plus grave crise depuis son élection. Il a toutefois maintenu au 15 décembre le référendum sur le projet de Constitution. Ainsi quelques heures seulement après l'appel au dialogue de l'armée égyptienne pour éviter que la crise ne débouche sur un “désastre", le président égyptien a cédé à la pression de la rue, dont la mobilisation a été à l'origine de réactions internationales, notamment de la part de Barack Obama, qui n'a pas caché son inquiétude sur ce qui se passait en Egypte. Il faut croire que le président américain redouble de prudence depuis le début de la crise égyptienne. Pour les Etats-Unis, le dilemme est de soutenir les aspirations démocratiques des Egyptiens sans fâcher l'un de ses alliés régionaux les plus importants, qui s'est révélé crucial dans la conclusion d'un cessez-le-feu entre le Hamas et Israël le 21 novembre. Quand Mohamed Morsi, loué par les Américains pour sa médiation de la crise à Gaza, signe le lendemain un décret s'octroyant quasiment les pleins pouvoirs, Washington est pris au dépourvu. La diplomatie américaine ne condamne pas l'acte, mais déclare que la situation n'est “pas claire", avant d'appeler l'opposition à manifester pacifiquement. Profitant de cette hésitation américaine, le “raïs" égyptien a vainement résisté avant d'annoncer samedi soir par la voix de son conseiller, Selim al-Awa, que “le décret constitutionnel est annulé à partir de maintenant". Il est remplacé par un nouveau décret qui supprime cette clause et qui prévoit en outre l'organisation d'un nouveau scrutin pour élire une Assemblée constituante, “au cas où les électeurs décideraient de rejeter le projet de Constitution lors du référendum de samedi prochain". Mohamed Morsi a en revanche confirmé la date du 15 décembre pour la tenue du référendum sur le projet de Constitution, car la modifier est juridiquement impossible. Le référendum doit légalement être organisé deux semaines après la remise du projet de loi fondamentale au chef de l'Etat, ce qui a été fait le 1er décembre. L'opposition, notamment le Front du salut national (FSN), présidé par le prix Nobel de la paix Mohamed El-Baradei, qui souhaitait qu'un report permette d'élaborer un texte plus consensuel, s'est réuni hier pour discuter de cette décision. Elle accusait la mouture actuelle d'ouvrir la voie à une islamisation accrue de la législation et de manquer de garanties pour les libertés, en particulier d'expression et de religion. Pour rappel, le Front du salut national, qui ne participait pas à la rencontre, a fait du report du référendum l'un de ses chevaux de bataille, avec l'annulation du décret sur les pouvoirs présidentiels. Une de ses composantes, le mouvement du 6-Avril, une organisation de jeunes très active lors de la révolte contre Hosni Moubarak, a qualifié ces annonces de “manœuvre politique visant à tromper le peuple" et a appelé à “poursuivre les manifestations pour faire échouer le référendum sur la constitution des Frères musulmans". Les formations islamistes qui soutiennent Mohamed Morsi, parmi elles le puissant mouvement des Frères musulmans dont est issu le président, ont en revanche refusé catégoriquement tout report du référendum constitutionnel. M T